Cinq paramètres technologiques viennent revendiquer leur place dans l'enseignement actuel, notamment aux niveaux supérieurs et en formation continue: numérisation, information, communication, hypertextualité et interactivité. Après avoir rappelé les paramètres de ces concepts qui viennent colorer ou modifier radicalement les processus d'enseignement et d'apprentissage, on se demande comment ils facilitent l'enseignement à distance, d'une part, et comment ces cours diffèrent des cours dits traditionnels, d'autre part. On analyse trois cas: a- cours accessoirement accompagnés de sites du professeur, b- cours partiellement disponibles en réseau et 3- cours entièrement dispensés en réseau. Ces situations pratiques comme lieu de recherche permettent de faire ressortir certaines caractéristiques du processus d'enseignement-apprentissage dont les auteurs de cours technologisés doivent tenir compte tant de leur côté (coquilles d'auteur, entretien de site, de forum, personnalisation du cours, guide du cours, maîtrise technologique, écriture d'hypertexte et mapping, réseau d'intervenants, etc.) que du côté de l'apprenant-e (décontextualisation, désorientation, surcharge cognitive, autonomie, personnalisation, interaction, souplesse de formule, médias multiples, communauté virtuelle, consultation d'experts, etc.). Pour élaborer cette présentation et en élargir la portée, l'auteur propose un site http://www.fse.ulaval.ca/mediatic/acfas02 où les questions non résolues sur place trouveront un prolongement. Mais au moins on doit se souvenir que l'apport des TIC dépasse leur usage, qu'il repose sur la vision et le comportement des enseignants qui doivent aussi tenir compte que les apprenants ne passent pas facilement de la version 1.0 à 2.0. La prochaine génération d'enseignants peut tout au plus espérer progresser dans une mise à jour technologique qui accompagne le processus d'apprentissage.

Introduction

L'arrivée des technologies de l'information en éducation ne fait pas que des heureux. On lit clairement dans « Technopoly » que l'école n'est pas principalement un lieu de transfert d'information car il y a dejà beaucoup plus d'information en dehors de la classe que dans la classe (Postman, 1993). C'est vrai que pendant longtemps, l'école a été un canal privilégié de transmission de l'information et que maintenant ce n'est plus sa rareté qui est en cause mais sa prolifération, que le professeur soit ou ne soit pas un adepte obligé des nouvelles technologies. Et pourtant dans le contexte des technologies actuelles et en dépit des réticences, c'est bien d'information sous toutes formes dont il s'agit, dans l'enseignement, dans l'apprentissage, dans les échanges personnels et sociaux. Les cours à distance n'en sont alors que l'excroissance. Pour traiter de cet apport, on met d'abord en évidence cinq concepts qui sous-tendent autant de facettes pertinentes dans l'enseignement comme on le constate en considérant les paramètres d'une coquille de développement de cours en réseau. Ensuite, on considère les degrés de pénétration et d'impact des technologies de l'information et de la communication autant dans la classe ordinaire que dans le cours à distance. Enfin, on note quelques particularités de comportements observés chez des futurs maîtres de l'ordre du secondaire et du collégial à qui l'auteur dispense des cours d'intégration de TIC depuis sept ans.

De l'analogique au numérique

Il y a tout au plus une demi-génération, on pouvait encore expérimenter le monde de l'information analogique. Par exemple, on tenait une simple aiguille dans le sillon d'un disque de vinyl sur sa table tournante et on pouvait entendre la musique car il y avait une analogie entre les monts et les vaux des sillons et les variations des ondes sonores. Les nouvelles technologies ne permettent plus cela car tout est désormais électriquement converti en zéros et en uns, que ce soit les lettres, les sons, les images, les graphiques et tout ce qui sert d'écriture. Le numériseur n'est pas le seul appareil à numériser. Le traitement de texte, l'appareil photo et tout le reste passent par le même dénominateur de la numérisation. Depuis le télégraphe Morse, on s'est habitué aux codes électriques et le phénomène de la numérisation intégrale a maintenant absorbé tous les autres moyens d'expression. Le « club du crayon de plomb » (Henderson, 1996) a beau regretter le temps de l'écriture et de la lecture tranquille, le numérique a déjà envahi la bibliothèque avant que les usagers ne soient rompus à son omniprésence.

Le tout ou rien

Tout ce qui est numérisable est appelé à être numérisé, peu importe le support. Les textes supportent facilement le traitement mais les humains résistent encore à devenir publiquement des êtres informationnels représentés par des cartes à puces, des identifications numériques et des mots de passe tout aussi numérisés que le reste. Les technologies de l'information absorbent tout ce qui est numérisable mais restent totalement insensibles au reste. Pour certains il ne reste rien car même les émotions peuvent se traduire en messages touchants, pour d'autres, il reste presque tout car l'information n'est pas porteuse de vie personnelle et sociale. Il faut bien l'admettre, si ne c'est pas numérisable, si ce n'est pas perceptible comme information, les technologies dont on parle n'y peuvent rien. Par contre, les médias sont capables de véhiculer des émotions, de créer des mondes virtuels. La réalité matérielle de premier niveau et la présence personnelle peuvent ne pas être numérisables, il reste que les substituts informationnels ne peuvent être tenus pour négligeables pour autant.

Information multiforme

La numérisation est un procédé technologique qui n'est perçu en dehors des arcanes technologiques que lorsqu'un minimum de sens s'en dégage. Les concepts de donnée, information et connaissance traduisent des degrés ascendants de signification mais les réalités que sous-tendent ces termes n'ont pas de forme précise même si le mot lui-même d'« information » peut se décrire comme une sorte de mise en forme. La capacité de l'information électrifiée et numérisée à prendre toutes les formes en fait sa force. Horn (1989) parle de quasi-matériau ou de blocs pour désigner ces portions d'informations textuelles, visuelles ou sonores qui doivent être élaborés, classés, reliés, étiquettés et cartographiés pour obtenir une certaine consistance et une certaine pertinence. Lentement le concept de numérisation évolue vers celui d'information puis vers celui d'hypertexte.

Information ou communication

Dans le contexte des technologies numériques, l'information et la communication sont des termes presque interchangeables. On pourrait justifier les deux termes en disant que l'information est de soi inerte mais persistante tandis que la communication est éphémère et mouvante. La communication serait donc de l'information en mouvement. On peut bien dire que des ordinateurs se parlent, se communiquent, il reste que à proprement parler ce sont les personnes qui communiquent. Sur les réseaux, on connaît les pseudonymes, les mots de passe, les personnalités inventées, les personnes officiellement transformées et rendues informationnelles. La numérisation s'attaque autant aux humains qu'aux autres formes de données. En contexte éducatif, lorsqu'un professeur et un étudiant communiquent entre eux dans un cours à distance, ce ne sont que leurs dimensions informationnelles qui s'échangent des informations. Autant dire que les humains sont des informations qui se meuvent et qui se font percevoir comme des personnalités authentiques ou non. On verra plus loin que les cours partiellement en réseau et les cours en réseau dont les partenaires sont connus par ailleurs dans le monde réel ne soulèvent pas les mêmes problèmes que les cours où seule l'information numérisée circule. Si l'information conduit au concept d'hypertexte, la communication conduit plutôt au concept d'interaction où au moins un partenaire est un humain qui agit avec une machine numérique.

De l'information à l'hypertextualité

Pendant des siècles, l'écriture analogique a appartenu au monde des objets inertes mais de surface, de la pierre tombale au papyrus. Dans le contexte du numérique, l'écriture est capable de se reconnaître elle-même, les moteurs de recherche sur Internet en témoignent. Certains diraient qu'il s'agit d'intelligence artificielle. Soyons modeste mais admettons que l'écriture numérisée et réseautée a la capacité de réagir à ses propres signes, ce qui nous permet de la retrouver. Dans la perspective hypertexte, les portions de textes appelées blocs par Horn (1989) ou nœuds par les sciences cognitives sont reliées par des liens pour former un réseau représenté par une carte ou « map ». Dans l'idée de Nelson, le « docuvers » ou l'univers comme document ferait que tous les textes numérisés formeraient un immense hypertexte accessible en autant qu'il y a des liens, des signets, des références, des index, etc.

Un cours à distance revient donc à déterminer une portion d'hypertexte, un territoire limité accessible à tous ou seulement aux inscrits. Ce territoire représente la zone d'information extensible à l'infini mais avec lequel l'étudiant et le professeur viennent en interaction soit pour des explications, des simulations, des évaluations et toutes sortes d'échanges entre personnalités informationnelles.

Si les saints ont leur auréole, les professeurs technologisés ont leur site où l'étudiant en présence comme à distance peut connaître la zone d'influence et d'intérêt de son professeur. Le professeur a développé son cours mais comme une œuvre inachevée. Sans cesse il est appelé à actualiser le tout et l'étudiant à son tour est invité à interagir et à construire son univers de connaissance à même les matériaux disponibles sur les réseaux. Sans doute cette connaissance partagée et collective peut être considérée par certains comme une utopie (Lévy, 2002) mais au moins à une échelle locale et dans des proportions de compétences humaines, l'hypertexte et l'interaction peuvent devenir un lieu virtuel d'apprentissage.

De la communication à l'interactivité

Tous les intervenants dans le monde du savoir, de l'enseignement, des échanges économiques, politiques et sociaux doivent désormais réagir à leur niveau avec des technologies numériques. On appelle d'ailleurs fossé numérique, l'écart qui sépare ceux qui ont accès aux technologies de ceux qui en sont privés pour diverses raisons (que nous avons souvent exprimées par ailleurs, notre site en témoigne).

Selon le travail du moment, l'interaction homme-machine prend des formes variées. Présentement, j'utilise un traitement de texte en html, j'utilise un outil qui me permet de placer l'écrit de ma présentation immédiatement en réseau. Je le fais peu mais je pourrais être partenaire de la machine dans un jeu. Pour présenter ce texte à l'Acfas, j'ai utilisé un logiciel de présentation ou un média que je ferai défiler avec mon intervention orale. Les participants ou les lecteurs intéressés par mes propos parfois en marge de l'« académiquement correct » iront voir mon œuvre hypertextuelle sur Internet. Dans mes cours à distance, les apprenants vont réagir avec un ou plusieurs des modes que je viens de décrire. Or, à l'exception de mes notes de cours aussi disponibles en livre pour faciliter la lecture, toute cette interaction avec l'hypertexte des cours s'effectue en interface où la numérisation s'exprime en pixels qui eux-mêmes traduisent l'information que je désire vous transmettre ou leur transmettre.

Les concepts dans la « coquille »

Pour faciliter le développement de cours en réseau et à distance, on retrouve sur le marché des systèmes préfabriqués d'organisation de cours appelés systèmes-auteurs ou coquilles. Le professeur-auteur qui utilise un tel environnement est guidé vers les principales rubriques qui seront disponibles aux étudiants. Cela permettrait au professeur de ne rien oublier et à l'étudiant de se retrouver dans des environnements ou contextes connus si évidemment plusieurs cours utilisent le même gabarit. Sans faire de publicité pour un système ou l'autre, il reste que l'Université Laval a pris des ententes avec Web CT ou « Web Course Tools », un système qui se prétend bien articulé pour le professeur et l'enseignant et qui tient compte des disponibilités technologiques et numériques. L'examen de son interface nous fait redécouvrir en pratique les concepts développés plus haut. Dans la ligne de l'information et de l'hypertexte, on retrouve des lieux pour le calendrier des activités du cours, le plan de cours, le contenu ou séance. Dans la ligne de la communication et de l'interaction, on retrouve le courriel un à un entre les étudiants et le professeur, le clavardage ou « chat » pour l'échange écrit en synchrone, le forum pour l'échange partagé plus approfondi mais asynchrone. Malheureusement, une bonne part des paramètres restant reviennent au contrôle qui n'est pas totalement entre les mains du professeur. Les techniciens veulent et obtiennent une bonne part de gérance. Dans cet esprit, l'accès est limité aux personnes inscrites mais on justifie cela par les capacités d'évaluation de l'étudiant par le système. Cette évaluation est quantifiée, corrigée et normée sans grand contrôle pour le professeur malgré les prétentions des vendeurs de systèmes.

On doit retenir de ces coquilles préparées pour ces tâches qu'elles ne proposent rien d'autre que ce qui peut être numérisé et informatisé mais aussi qu'elles imposent une manière de faire stéréotypée. Quant à la dimension du développement économique et de son intrusion dans la vie académique, il faudra y revenir. Personnellement, je n'utilise ces coquilles que pour les forums car des outils génériques souvent gratuits sont supérieurs pour tout le reste. Les cas des cours décrits dans la suite de ce texte reposent donc sur des logiciels simples non soumis à des contrats dont les coûts risquent de s'emballer, ni à des intermédiaires qui s'inscriraient dans la communauté du professeur et des étudiants.

Les cours technologisés

Après avoir considéré les paramètres du numérique, on examine maintenant les médias qui engendrent de la distance dans la dispensation d'un cours. (Tous ces cas proposés sont effectivement pratiqués par l'auteur de cette présentation.) Le cours de référence serait celui ou il n'y a pas de distance entre le maître et l'élève. Que le discours soit magistral ou non, notamment avec les nouvelles pédagogiques de projet, de collaboration, de coopération, tout se passe en un même temps et en un même lieu. Dans ce contexte, même un livre ou un cahier d'exercice crée une sorte de distance-média mais personne ne doute que cela peut constituer un avantage pédagogique. On peut déjà annoncer que les technologies numériques devraient bénéficier du même préjugé favorable.

Le premier cas concerne les cours dispensés en classe. Ils peuvent être accessoirement accompagnés de TIC lors de présentations. On peut faire appel à des didacticiels ou à d'autres médias. On peut même utiliser des sites Internet pertinents à une leçon. Dans toutes ces situations, la pédagogie est peu incluencée et l'exigence n'est pas trop grande tant du côté du professeur que des étudiants. Le professeur peut alors avoir une illusion de renouveau technologique mais il reste un usager d'outils qui n'influencent pas le déroulement pédagogique de la leçon. Le maître reste le maître.

Le deuxième cas concerne les cours partiellement dispensés en classe auxquels le professeur ajoute son propre site pour se faire connaître, pour élargir les horizons face au contenu, pour permettre aux plus lents d'approfondir et d'apprendre à leur rythme, pour permettre aux plus audacieux d'aller plus loin. Le site du professeur opère en mode d'ajouts. En plus des manuels, le professeur propose sa vision du contenu, ses exercices et propose des liens pour des approches différentes de la sienne. En plus du cours, le courriel, les forums, les discussions augmentent les capacités de communication. Au plan pédagogique, le site favorise la coopération, le partage des travaux d'élèves. Il facilite la mise à jour des contenus comme des devoirs, il propose une cartographie, un lexique, des questions, des problèmes et toute une série d'activités qui contribuent à l'apprentissage. Dans ce cas, les novateurs sont facilement acceptés de la communauté et des étudiants car peu de ce qui était pédagogiquemenr reconnu comme essentiel est enlevé tandis que l'apport du numérique est encore à apprécier.

Le paradoxe dans ce deuxième cas, c'est que la distance-média diminue la distance ressentie entre le professeur, l'étudiant et la matière à l'étude. Par son site, le professeur se fait connaître, le cadre du cours éclate en contenu comme en liens hypertextuels. La curoisité fait explorer le « territoire » du professeur et ce dernier se rend présent autrement que par le discours magistral. Les médias sont variés. Le cours avec l'apport d'un site profite d'un support, d'un lieu d'échange, de notes et d'élaborations qui seraient moins adaptées à la classe qui se déroule dans un même espace-temps. Mais attention, le site du professeur doit garder sa touche personnelle, des multimédias préfabriqués pourraient susciter un effet inverse si l'étudiant n'est pas très tôt remis dans le contexte de son cours. En somme, c'est davantage la communication que l'information anonyme trop bien présentée qui fait éclater l'espace-temps du cours de manière pédagogiquement efficace.

Le troisième cas concerne les cours entièrement en réseau. La distance repose sur l'absence normale du professeur, de la classe et des autres étudiants. Si les paramètres de la classe disparaissent, il est bien inutile d'insister sur les pertes et les différences car tout le cadre pédagogique est nouveau et différent. Cela est plus facile à énoncer qu'à ressentir car même les cours à distance sont encore proposés dans les universités selon un canevas de trimestre et de calendrier à suivre avec des dates d'échéances. Dans un cours ordinaire, un étudiant peut être entraîné positivement ou négativement par le groupe et le contenu. Dans un cours en réseau, l'essentiel du déroulement relève de la personne étudiante ou apprenante. La motivation de l'étudiant doit résider en dehors de la rencontre avec des pairs ou avec un professeur, en dehors d'un espace-temps réservé et d'une démarche physique obligée. On doit donc se demander si une telle approche convient à de très jeunes élèves, à des gens encore tributaires de leur environnement, à des débutants peu portés vers l'autodidaxie. Mais si ce nouveau contexte est convenable pour des apprenants autonomes, les bénéfices peuvent être immenses.

L'accent est mis sur la personne autant que sur le cours. L'étudiant travaille à son rythme, de manière autonome. Il approfondit des aspects du cours adaptés à sa personnalité ou à son travail. Par contre, il doit suppléer au manque de contexte pour apprendre, au manque de guide et d'encouragement spontané. Il doit solliciter cela par courriel ou autrement. Il serait faux de dire que l'étudiant est rigoureusement seul. La coopération et l'appartenance sont virtuelles mais bien présentes au besoin et la communication permet de supporter l'isolement car le professeur d'un cours en réseau doit se faire bien plus disponible que le profeseur qui dispense un cours à horaire fixe. En principe, il veille au grain.

Après les avantages notionnels, il faut relever les inconvénients pratiques. L'étudiant ne se fie pas toujours à ce qu'il lit. Il pose des questions et désire des réponses personnalisées même si cela répète le site du cours. La question importe moins que l'échange ou le contact. Les extrêmes sont possibles. Tel étudiant moins rassuré communique à tous les jours ou rencontre le professeur lors d'un autre cours en salle. Tel autre ne dit rien et remet tous ses travaux en même temps sans bien profiter des réactions du professeur à chaque évaluation formative. Les probabilités de réussite se ressemblent car leur besoin de contact avec le professeur n'a que peu d'incidence sur l'apprentissage. L'étudiant moyen est porté à procrastiner un cours en réseau par manque de balises. L'urgence du cours en réseau est très basse, tout passe avant cela dans le calendrier des activités. En fin de parcours, les délais demandés sont beaucoup plus nombreux que pour les cours sur place. Parfois, les activités pour un cours sont concentrées sur deux ou trois semaines de sorte que l'étudiant travaille ses cours en série, l'un après l'autre plutôt qu'en parallèle comme la tradition l'imposait.

L'étudiant n'aime pas lire à l'écran. Il préfère donc un cours qui est imprimé ou qu'il peut imprimer. Le tout en interface peut décourager car on peut bien rencontrer un étudiant qui essaie d'imprimer tous les liens. L'étudiant s'inquiète au moment de suivre son cours mais par ailleurs, il se contente facilement de la note en ne revenant pas chercher ses travaux après leur évaluation. Il ne connaît pas le professeur, la note est bonne alors le document évalué perd son sens. Du côté de l'auteur du cours, l'appréciation est plus difficile à déterminer car le cours à distance est moins remis en cause que le cours en salle. Le réseau donne de l'autorité comme un livre et l'étudiant y découvre de la pertinence mais face au cours comme tel la réflexion critique demeure assez faible. Élaborer un cours en réseau c'est un peu « prêcher dans le désert » et soyons chanceux si quelqu'un revient nous dire qu'il est passé dans ce territoire et l'a transformé en oasis personnel et pertinent. Quand on s'adresse aux futurs enseignants, plusieurs ne s'aperçoivent même pas que le numérique est en train de modifier leur profession, tout au plus résistent-ils. Cette fin de présentation s'intéresse à cette question.

En conclusion: réactions des futurs enseignants

Les cas examinés relèvent de ma pratique qui s'exerce auprès des futurs enseignants. Leurs attitudes, leurs comportements et leurs travaux d'intégration des TIC permettent de dégager quelques tendances relatives à la venue des technologies numériques dans leur profession. Très peu n'entre eux doutent de la pertinence générale de ces technologies. En pratique, ils sont parfois réticents, souvent besogneux et optimistes mais rarement talentueux. Si la technologie est très conviviale comme le téléphone cellulaire par exemple, ils sont preneurs, sinon ils attendent le besoin ou l'obligation. Leur vision n'englobe pas le numérique comme un paramètre qui va modifier tout leur enseignement. Un peu péjorativement, disons qu'ils souhaitent demeurer des usagers d'outils bien malgré eux. Même au niveau de l'enseignement collégial, très peu d'entre eux envisagent un enseignement en réseau ou une tâche plus portée vers le développement que la rencontre en salle. Ceux qui voient les bienfaits du développement de sites adaptés à leurs cours réagissent comme s'il s'agissait d'œuvre achevée qui se supporte d'elle-même comme un livre. Ils oublient la part de l'entretien du site, des mises à jour et des communications. Le site a une vie entretenue par le professeur à défaut de devenir lettre morte.

Il faudra attendre encore une autre génération pour que la vision technologique influence comme acquis culturel la vision pédagogique. La pénétration technologique va plutôt s'effectuer par les autres professionnels et par ceux pour qui l'enseignement ou le perfectionnement n'est qu'un passage obligé. En ce sens, le formateur qui dispense des cours spécifiques et brefs a plus de chance de s'intéresser au monde des TIC que le professeur de carrière qui mise sur l'art de recevoir et de dispenser des cours.

Références

Henderson, B. ed., 1996, Minutes of the Lead Pencil Club, New York, Pushcart Press Book, Norton.

Horn, R., 1989, Mapping Hypertext, Lexington, The Lexington Institute.

Lévy, P. 2002, Cyberdémocratie, Paris, Odile Jacob.

Postman, N., 1993, Technopoly, New York, Vintage.

Rhéaume, J., 2001, Apprivoiser la technologie éducative, Québec, Université Laval.

http://www.fse.ulaval.ca/mediatic.