Stratégie publique, e-administration et alignement du système d'information

L'exemple du Conseil Général des Bouches du Rhône

http://ebiz.int-evry.fr/e-gouv/pdf/BRUNEL_WEYGAND_strategie_SI_CG13-article.pdf

 

Workshop « Systèmes d'information et e-administration »,

du Groupe des Ecoles de Télécommunications

Télécom Paris 24 mars 2005

 

Auteurs et date de rédaction :

Anne BRUNEL, Félix WEYGAND, 22 mars 2004

Anne BRUNEL. Ingénieur en chef au Département des Bouches du Rhône, elle est directeur des systèmes d'information et de télécommunication. Elle a en charge l'ensemble des projets TIC du Conseil Général. Elle a, entre autres projets, dirigé l'opération Ordina13, pour l'ensemble des aspects techniques, d'équipement en infrastructure informatique et télécommunication des 131 collèges publics, d'interconnexion des réseaux pédagogiques, d'accès à Internet haut débit dans l'ensemble des établissements et de prêt d'un ordinateur portable aux 60.000 collégiens de 4ème et de 3ème des collèges publics et privés du département.

Félix WEYGAND. Après une vingtaine d'années dans des entreprises du secteur des télécommunications et des TIC, il a réalisé une recherche sur le Politique et les TIC dans le cadre d'une thèse de doctorat soutenue en novembre 2003. Il poursuit ses travaux au sein du Laboratoire de Recherche sur les Médias, l'Information et la Connaissance (EA 3240) et  enseigne à l'IAAI et l'EJCM (Université de la Méditerranée Aix Marseille 2) ainsi qu'à Euromed (ESC Marseille). Il est également Conseiller général des Bouches du Rhône, délégué à l'informatique et aux télécommunications.

Mots clefs

Politiques publiques, administration électronique, système d'information, alignement stratégique, décentralisation.

1.     Systèmes d'information informatisés et administration électronique

L'évolution des systèmes d'information des organisations se réalise sous l'effet de deux dynamiques enchevêtrées :

ü      D'une part l'extension du périmètre du système d'information informatisé à de nouvelles activités, de nouvelles relations, de nouveaux métiers pour lesquels l'utilisation de l'informatique communicante est réputée améliorer les processus. L'hybridation des télécommunications et de l'informatique qui aboutit de plus en plus à la généralisation de l'Internet, des services, des réseaux et des architectures sous IP, se confond depuis dix ans avec cette évolution et l'accélère.

ü      D'autre part, à « périmètre constant », l'informatique installée change par la succession des générations d'architectures techniques, de matériel, de systèmes d'exploitations et d'applications. Cette évolution est à la fois « poussée » par les directions informatiques et « tirée » par les nouvelles attentes des utilisateurs. La généralisation de l'Internet, au sens large des services sous IP comme de la généralisation des modalités d'usages et de l'ergonomie venus de l'Internet grand public, est là également un aspect de plus en plus important de ce phénomène.

 

Cette évolution attire l'attention des directions des systèmes d'information sur deux démarches complémentaires :

ü      Urbaniser le système d'information pour le garder « organisé », en ordre, cohérent et réactif alors que les dynamiques de son évolution sont par nature des facteurs permanents de désorganisation et d'entropie croissante.

ü      Aligner le système d'information sur la stratégie de l'organisation, afin que celui-ci soit toujours l'auxiliaire efficace de celle-là, qu'il concoure à la réalisation de ses objectifs et évolue avec eux.

 

Dans les organisations de service public, l'évolution du système d'information, a pris le nom d'administration électronique, or l'essentiel des concepts avec lesquels nous pensons l'urbanisation et l'alignement stratégique des systèmes d'information est issu d'organisations très différentes des administrations : les entreprises. Cette importation des concepts d'un monde à un autre peut être un essaimage riche d'enseignements opérationnels utiles et efficaces, c'est certainement le cas de la notion d'urbanisme. Il peut également s'agir d'une contamination, conduisant à vouloir plaquer à toute force des modèles totalement intransposables dans le contexte de l'administration et de l'évolution de ses missions. L'alignement stratégique du système d'information d'une entreprise n'est ainsi selon nous qu'un modèle très lointain pour l'administration électronique.

 

Nous ne retiendrons dans cet exposé que deux éléments traduisant cette difficulté à utiliser ce modèle :

ü      La stratégie d'une entreprise est guidée par l'adaptation volontaire et rapide à un environnement concurrentiel au sein duquel elle est en position de conquête ou de défense. Pour s'adapter et générer les avantages lui permettant de défendre ou de conquérir, l'entreprise peut réaliser ses choix en se simplifiant : elle se concentre sur son coeur de métier, réduit sa structure, externalise des activités non stratégiques, etc. Une administration « hérite » d'une complexité croissante qu'elle ne peut refuser : la règle qui lui donne ses missions ne provient pas d'elle mais de la décision politique qui désigne ce qui est dans le champ du service public. Par contre le temps de ses évolutions n'est habituellement pas aussi contraignant que « l'urgence concurrentielle » qui rythme l'évolution des entreprises, cette contrainte allégée est généralement un avantage évident, mais parfois aussi une faiblesse parce qu'elle ne favorise pas une culture du changement chez les utilisateurs.

ü      Une entreprise a un objectif principal, point de repère pour guider sa stratégie : la recherche d'un niveau de rentabilité (suffisant pour assurer sa survie, pour satisfaire ses actionnaires, etc.), par rapport auquel les objectifs peuvent s'ordonner. Les projets constitutifs des évolutions du système d'information sont ainsi priorisables et budgétables en fonction de leur contribution à cet objectif : ils accroissent la valeur, ils génèrent des économies, ils ont un ROI calculable, etc. On commence ainsi à évoquer une « gouvernance économétrique du système d'information des entreprises ». Une administration doit produire des services pour satisfaire les besoins du public, le niveau de satisfaction n'a pas toujours d'indicateurs mesurables, lorsqu'il en a ces indicateurs sont composites et de toute façon ils n'ont aucun rapport direct avec le budget de l'administration. De plus, de manière interne, il est rare que le contrôle de gestion et la comptabilité analytique, maîtrisent réellement les différents éléments et les différents projets constitutifs du SI et de son évolution.

 

Comment alors mesurer la contribution du système d'information à la satisfaction du public ? Comment savoir quel doit être le budget de l'informatique pertinent pour contribuer à l'atteinte d'un niveau de satisfaction qui serait la cible de la stratégie ? Comment mettre en priorité et budgéter les projets constitutifs de l'avancée vers l'administration électronique en ligne avec une stratégie publique ?

 

Le projet de l'alignement des systèmes d'information sur les stratégies publiques est dans les conditions actuelles une utopie. La réflexion sur l'administration électronique, en tant que mot d'ordre et projet mobilisateur de la mutation des SI des services publics, doit inclure dans son cahier des charges un travail sur les conditions à réunir pour réaliser cette utopie. Ces conditions ne peuvent pas être brutalement imitées de ce qui se passe dans les entreprises.

 

Nous allons présenter cette réflexion en la référant à notre expérience au sein du Conseil général des Bouches du Rhône. L'administration électronique concerne à la fois la relation aux publics (téléprocédures, dématérialisation, amélioration de l'accès à l'information et aux services) et les évolutions du système d'information comme outil de travail interne permettant la production administrative. C'est essentiellement ce dernier point qui sera traité ici.

2.      Une administration complexe sous la contrainte de la décentralisation : le CG 13

Le système d'information est «  l'usine » du Conseil général

Comme d'autres organisations contemporaines, l'administration départementale ne peut exister sous sa forme actuelle et accomplir ses missions que parce qu'elle est organisée autour d'un système d'information qui est son principal outil de travail. Il remplit d'abord les tâches fonctionnelles classiques (comptables, financières, de gestion des ressources humaines, etc.) propres à une organisation de plusieurs milliers collaborateurs et de plus de 1,7 milliards d'Euros de budget. Ensuite, les missions du Conseil général consistent principalement à instruire des dossiers en grand nombre (d'agrément d'assistantes maternelles, d'établissements d'accueil de personnes en difficulté, de subventions, d'allocations de RMI, etc.) et à servir des prestations financières s'y rapportant ; il s'agit là d'un processus de production et de traitement de flux d'information, spécifique par son ampleur et la variété des flux générés. Enfin certaines missions n'ont pas un caractère de flux aussi marqué, mais plutôt un caractère de « grands » projets (construction de collèges, de routes, etc.) et exigent également un système d'information adapté.

Même en l'état actuel, encore très éloigné des canons de l'administration électronique (circuits papiers plutôt que dématérialisation, organisation en silos plutôt qu'en réseau, circulation pyramidale de l'information, etc.), le système d'information peut être décrit comme « l'usine » dans laquelle s'effectue la production des services publics rendus par le Conseil général.

 

Un état des lieux déjà complexe

 

image

 
La complexité actuelle de l'administration départementale et de son système d'information peut, classiquement, s'interpréter comme la résultante du grand nombre et de la variété. Les 4 700 agents réalisent de nombreux métiers dans des activités variées : on ne recense pas moins d'une quinzaine de regroupements de compétences, 68 activités et quelques 15 sous-systèmes significatifs, qui permettent de cartographier le SI sur le plan fonctionnel.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le SI proprement dit consiste dans un réseau de 4 300 micro-ordinateurs, d'un « gros » serveur SAN, de 20 serveurs centraux, de 50 serveurs départementaux, et de 25 serveurs de type Windows ; plus de 400 progiciels et applicatifs « tournent » sur ces machines et des centaines de Giga octets sont occupés par les bases de données. Le site central est l'Hôtel du Département sur lequel sont reliés les 256 sites distants où des services déconcentrés sont installés. Les liaisons sont assurées via des noeuds de communication et des « goulots » établis selon les besoins de transmission entre le site central et les sites distants. Le déploiement de réseaux privés virtuels est en cours. Un système de sécurité avec pare-feu est bien entendu en place.

 

Une première « accoutumance » à l'e-administration se fait par la messagerie et l'Intranet accessibles à tous, élus et agents, via un annuaire commun. L'accès à la documentation, au règlement intérieur, aux bons de commande de fournitures, à la gestion des horaires aménagés, aux actions sociales pour le personnel, aux postes disponibles, aux procédures internes de demandes diverses (congés, matériels informatiques et téléphoniques, déménagement, interventions logistiques), etc. ont permis à chacun de s'approprier la navigation sur le net et de s'ouvrir à ces modalités de travail ; toutefois, la signature électronique et un « vrai » travail collaboratif ne sont pas encore entrés dans le quotidien.

 

En direction des partenaires et du public, le site Internet www.cg13.fr, qui existe depuis 1998, était au départ surtout institutionnel et informatif. Il se développe désormais dans une logique de portail intégrant les aspects e-administration :

ü      Echanges interactifs pour les dossiers de subventions (partiel dès 2001, en cours de complément).

ü      Demandes d'informations sur les politiques publiques du département (dès le départ, en évolution permanente).

ü      Sites thématiques en cours de développement pour être mis en ligne en septembre 2005 (Handicapés, Archives, Bibliothèque départementale, Jeunesse, etc.).

ü      Ordina13, projet d'équipement des collèges, des collégiens et des équipes enseignantes comprenant un extranet à accès contrôlé pour les partenaires du projet (www.ordina13.com en ligne depuis septembre 2003)

ü      Dématérialisation des marchés publics (réalisée en 2004)

ü      Extranet avec les communes pour les transports scolaires (réalisée en 2003)

 

A ces critères de nombre et de variété viennent s'ajouter d'autres éléments, sociologiques et culturels, qui contribuent en sus à la complexité :

ü      Une administration départementale est une mosaïque culturelle, non seulement s'y exercent des métiers très différents dont certains avec des identités professionnelles très fortes (médecins de PMI, travailleurs sociaux, pompiers des services de secours et d'incendie, sapeurs forestiers, etc.), mais de plus l'histoire a un impact très fort sur les cultures des personnels. Des pans entiers de l'administration ont une culture très ancienne (les administrations départementales ont été créés sous Napoléon 1er) et exclusivement « territoriale », d'autres sont issus de la décentralisation de 1982, dont les Conseils généraux ont été les grands bénéficiaires. Les personnels transférés alors de l'Etat ont conservé leur culture d'administration centrale et veillent instinctivement, mais jalousement, à en préserver leurs spécificités, en particulier par une plus grande distance au politique.

ü      Les politiques départementales sont un mixte de compétences obligatoires, celles que la loi a dévolues aux Conseil généraux, et de politiques facultatives décidées librement par l'Assemblée. La stratégie publique s'exprime de manière différenciée dans les deux cas :

o       La marge de manoeuvre sur les politiques obligatoires est faible, dans certains cas totalement nulle. L'action volontaire consiste donc d'une part dans l'adaptation pertinente de normes et de modalités définies nationalement à un contexte territorial spécifique, d'autre part à l'optimisation des moyens alloués pour contenir la part budgétaire et humaine de l'obligatoire afin de dégager des marges de manoeuvre pour le facultatif.

o       La marge de manoeuvre politique sur les actions facultatives est importante mais bridée par les contraintes budgétaires, le facultatif ne peut-être mis en oeuvre qu'après que l'obligatoire ait été financé. Ce sont pourtant ces politiques qui justifient essentiellement la décentralisation : permettre à des élus locaux, choisis par les citoyens du territoire et révocables à chaque élection cantonale, de décider d'une stratégie d'intérêt général pour un territoire et une population spécifiques. Le volontarisme créatif, la mobilisation de l'administration sous contrainte des élus politiques, l'attente d'un « retour sur investissement » en terme de satisfaction des citoyens et d'image, donnent donc à ces politiques un rôle, une importance et une visibilité inverses de leur poids budgétaire et humain dans le fonctionnement de l'administration.

 

Dans ces conditions, le système d'information et son évolution sont donc mis sous tension d'une manière particulière puisqu'à la complexité « normale » liée au nombre et à la variété des missions s'ajoutent les éléments suivants :

ü      Les différences culturelles rendent les modalités d'appropriation des innovations hétérogènes, non seulement existe une certaine résistance au changement, mais cette résistance n'est pas la même et n'est pas motivée de la même manière partout. Dans le pilotage des projets informatiques constitutifs de l'évolution du SI, l'implication des utilisateurs très en amont est donc une tâche particulièrement critique. En aval l'intégration de leurs attentes est presque toujours un facteur de surcoût pour les projets car elle exige des adaptations qui endiguent les effets économiques de la « progicialisation » du SI. A fortiori, la transition vers l'e-administration ne peut pas prendre la forme d'un « grand soir », des démarches de re-ingénierie visant à faire de l'administration électronique un projet global et mobilisateur pour l'ensemble des personnel ne peuvent pas être mises en oeuvre.

ü      L'informatique et les télécommunications sont perçues par la haute hiérarchie administrative, ainsi que par les élus, comme étant au pôle « obligatoire » des politiques publiques : il s'agit d'une « intendance qui doit suivre », sans coûter trop cher mais aussi sans défaillance qui viendrait paralyser l'action publique. La contrainte budgétaire est donc forte, d'autant que l'efficacité contributive du système d'information dans la réussite des politiques n'est pas perçue et en tout cas pas mesurée. En particulier le rôle que pourrait jouer l'investissement dans une marche rapide vers l'administration électronique dans le desserrement de la contrainte budgétaire, par exemple grâce aux économies que peuvent générer la dématérialisation et les gains de productivité, n'est pas encore clairement prise en compte.

ü      La mise en priorité des projets constitutifs de l'évolution du SI opère souvent d'une rationalité issue de la dichotomie obligatoire/facultatif : c'est dans les politiques facultatives que s'exprime réellement la stratégie propre du Département ; les projets les concernant, surtout s'ils sont visibles du public (par exemple, tout ce qui concerne l'informatisation des collèges), bénéficieront donc de « feux verts » et de moyens qui leur feront aisément prendre le pas sur des projets, moins valorisés, mais néanmoins indispensables et générateurs d'indiscutables avantages stratégiques (par exemple, la dématérialisation des marchés publics).

 

La nouvelle étape de décentralisation

Sur cet état des lieux déjà passablement complexe et créant des conditions de fonctionnement quotidien délicates, la deuxième étape de décentralisation réalisée aujourd'hui, contraint le Département à revoir son système d'information et également à lui faire supporter une nouvelle charge, en terme de nombre et de variété, qui vient accroître encore la complexité.

 

Les principaux chantiers constitutifs de cette très lourde mutation sont les suivants :

ü      Prendre en charge les nouveaux personnels transférés de l'Etat et leurs métiers :  450 agents de la DDE en provenance du ministère de l'Equipement, 1250 TOS en provenance du ministère de l'Education.

ü      Répondre aux nouvelles missions : gestion complète de l'insertion (70 000 allocataires du RMI), conception et entretien des routes nationales, patrimoine et monuments classés, cantines, petit entretien et accueil dans les collèges, etc.

ü      Créer les liens fonctionnels nécessaires avec les nouveaux partenaires impliqués par ces missions, qu'il s'agisse d'administrations ou d'entités régies par le code de la Sécurité sociale : ANPE, CAF, Communes, Région, etc.

 

Si l'on était dans un contexte d'entreprise, la fusion-intégration de nouvelles activités, apportant un accroissement de plus d'un tiers des effectifs, exigeant la concentration sur de nouveaux métiers et de nouveaux segments de marché, etc. serait considérée comme une opération stratégique majeure. L'alignement du SI par rapport à cette opération serait certainement l'objet d'une attention du « top management » qui aurait constitué un comité de direction spécifique pour la maîtrise d'ouvrage de ce seul projet.

 

Dans le contexte administratif de la décentralisation, et indépendamment de l'intérêt réel porté par le sommet de la hiérarchie politique et administrative, cette étape de mutation du SI ne peut être abordée que dans un esprit de prévention des risques. Il faut garantir le maintien de la qualité du service public tant auprès des citoyens (imagine-t-on ce que serait l'impact du versement des 70 000 allocations du RMI avec ne serait-ce qu'une semaine de retard ?) qu'auprès des partenaires ; il faut également réussir l'accueil des nouveaux agents et « leur installation » dans le système d'information (annuaire, intranet, ouverture et gestion des droits leur permettant de travailler, d'être informés, d'être payés, de gérer leurs horaires, etc.). Ces deux objectifs doivent être atteints dans un contexte budgétaire qui a lui même vu les contraintes se renforcer et qui ne permet pas de dégager de marge de manoeuvre spécifique à la nouvelle charge pesant sur le SI.

 

3.     Réaliser l'utopie ? A la recherche des facteurs clefs de succès permettant d'aligner système d'information et stratégie publique

Pour renouer avec le vocabulaire employé plus haut, on peut donc dire que la totalité des efforts de maîtrise des évolutions et d'avancée vers des fonctionnalités d'administration électronique est consacrée à l'urbanisation. Il faut garder ordonné et sous contrôle les différentes « couches historiques » constitutives du système d'information, protéger son ouverture à des évolutions futures, éviter l'obsolescence des secteurs les plus anciens, etc., tout cela avec une grande parcimonie budgétaire. Face à cette situation aucune administration départementale ne pourra assurer son fonctionnement et remplir ses missions nouvelles comme les anciennes sans que « l'usine » que constitue son système d'information évolue en performance.

 

La volonté de l'alignement stratégique des systèmes d'information des Conseils généraux dans le projet de l'administration électronique est donc confrontée à une injonction paradoxale : l'administration électronique est un projet stratégique sans cesse réaffirmé par les instances dirigeantes politiques et administratives, mais dans la réalité, le travail quotidien des DSI réside dans les évolutions issues de l'accroissement des missions de service public dévolues aux Départements, sans que ceux ci soient à même de définir un projet stratégique les concernant.

 

Comment réaliser cette gageure ?

En traitant l'alignement comme un projet informatique, mais qui serait en quelque sorte un « super projet ».

 

Comme dans tout projet informatique il faut intégrer les notions de base qui se vérifient toujours : un système d'information doit être utile, utilisable et utilisé, pour cela il doit être bien étudié et bien conçu, une trop grande rapidité ou une erreur d'appréciation des besoins génèrent sept fois plus de charges et de coût in fine et, élément crucial pour le développement de l'e-administration, le désespoir d'une génération d'utilisateurs. Son évolution doit faire l'objet d'un plan de communication, de conduite du changement et de formation impliquant l'ensemble des personnels. Les choix d'ergonomie doivent reposer sur des standards favorisant l'appropriation, banalisés notamment par les usages domestiques du micro-ordinateurs et de l'Internet et se répandre à partir de réalisations pilotes, permettant une diffusion en « tâche d'huile » des innovations.

 

Comme il s'agit d'un « super-projet », son comité de pilotage doit être constitué par les instances dirigeantes, politiques et administratives. A l'instar les projets similaires dans les grandes entreprises, il doit bénéficier d'une gouvernance et d'un « sponsoring de haut niveau» dans lesquels s'engagent directement ceux sur lesquels reposent la définition de la stratégie d'ensemble d'évolution du service public. En particulier les responsabilités entre décisions d'organisation et décision d'investissements technologiques (la séparation des rôles entre maîtrise d'oeuvre et maîtrise d'ouvrage) doivent être recadrées ; il est indispensable que les dirigeants des administrations prennent conscience de ce que le système d'information n'est pas qu'une intendance malheureusement coûteuse, mais bien l'outil par lequel toute stratégie peut se mettre en oeuvre : un projet  stratégique au service d'une stratégie publique !

 

 


 

 Bibliographie

 

BAQUIAST Jean Paul. Propositions sur les apports d'internet à la modernisation du fonctionnement de l'Etat - Rapport d'orientation. La  documentation française 1998.

Les références sont données d'après la version électronique :

http://www.admiroutes.asso.fr/mission/rapport/index2.htm.

CORNIOU Jean Pierre. Valorisation et gouvernance de l'investissement informatique. La nouvelle feuille de route du DSI. Cet article sera publié dans un ouvrage sur le Management des Systèmes d'Information, à l'initiative du Groupe HEC avec Les Echos (sortie printemps 2005)

 http://www.cigref.fr/cigref/livelink.exe?func=ll&objid=335769&objAction=viewNews

DE LA COSTE Pierre. L'Hyper-République. Bâtir l'administration en réseau autour du citoyen. Le documentation française 2003. Les références sont données d'après la version électronique : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/brp/notices/034000010.shtml

FUSTEC Alain & GHENASSIA Bruno. Votre informatique est-elle rentable ?Editions d'Organisation 2004.

GERBOD Dominique & PAQUET Fabien. Les clefs de l'e-administration. Editions Management et Société, collection Pratiques d'Entreprises, 2001.

LE ROUX Bernard & alii. Urbanisation et modernisation du SI. Hermes Lavoisier 2004.