Nicoleta CRISTEA

Expert

Gouvernement de Roumanie,

Agence pour Stratégies gouvernementales

Direction de Management stratégique et Etudes projectives

 

Adresse professionnelle : 1 Piata Victoriei, secteur 1, Bucarest

Téléphone professionnel : + 4 021 222 42 86

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PREMIÈRE CONFÉRENCE INTERNATIONALE FRANCOPHONE EN SCIENCES DE L'INFORMATION ET DE LA COMMUNICATION (CIFSIC)

 

DIXIÈME COLLOQUE BILATÉRAL FRANCO-ROUMAIN

 

 

 

SUPPORTS, DISPOSITIFS ET DISCOURS MÉDIATIQUES À L'HEURE DE L'INTERNATIONALISATION

 

Domaines d'analyse, modes d'approche et enjeux socio-culturels

 

 

Bucarest, 28 juin - 2 juillet 2003

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Atelier B1 : Analyse de discours

(G. LOCHARD / G. SOULEZ)

PERSPECTIVES ROUMAINES SUR L'AVENIR DE LA SOCIÉTÉ DE L'INFORMATION

 

 

La société de l'information est structurée comme une société du savoir. Pour le monde contemporain, le problème des décalages de développement est devenu un problème global, qui impose des réponses globales. Pour la Roumanie, la société de l'information est une chance unique pour réduire dans un court délai historique les grands décalages de développement qui la séparent des pays industrialisés. A cet effet, la société de l'information doit être un accélérateur des processus de développement durable au niveau mondial et un instrument de la bonne gouvernance.

La dimension sociale est un élément déterminant de la société de l'information, qui implique l'existence de certains services publics d'éducation performants, accessibles et un large milieu de recrutement des élites politiques, économiques et culturelles. En même temps, on définit de nouveaux modèles d'interaction entre les principaux acteurs institutionnels : le gouvernement, le parlement, les ministères, les services publics, les entreprises privées, la société civile, les médias. 

 

Dans les décennies à venir, l'Internet et les technologies associées transformeront profondément la réalité, tant dans la sphère des relations interhumaines, que dans celle économique et politique, en créant ainsi les prémisses de l'évolution de la démocratie représentative vers la démocratie directe. Les gouvernements jouent un rôle important et ils sont des partenaires naturels tant pour le secteur industriel-financier, que pour les services publics et la vie culturelle.

Des concepts-clé tels « e-gouvernement », « e-enseignement », « e-administration » ou « e-inclusion » répondent aux besoins de la société moderne, à l'impératif de la bonne gouvernance, de la croissance de la qualité de la vie, du maintien de la diversité culturelle et de la pluralité linguistique, de l'affirmation de la créativité des individus, du respect du principe de l'égalité des chances.

 

Compte tenu de ces réalités, on se propose une analyse de la perspective des sciences de l'information et de la communication sur la situation actuelle du processus permanent d'informatisation et, dans la deuxième partie, une étude de cas sur la « Stratégie nationale pour promouvoir la Nouvelle économie et la Société de l'Information », récemment élaborée et approuvée par le Gouvernement de Roumanie.

 

A l'ère de l'hypermédiatisation, de l'informatisation et de la globalisation, on accorde une importance indéniable aux médias et aux télécommunications. L'Internet est plus qu'un nouveau moyen de communication, c'est un médium qui, par sa structure même, nous force à redéfinir notre appréhension du monde dans ses fondements les plus tacites. Multipliant les réalités, l'Internet recadre le temps, l'espace, la culture et le politique dans un univers fondamentalement pluraliste où l'« homo consumare » est devenu le souverain. Ainsi, la consommation est devenue, selon les dites de Lipovetsky, plus qu'un simple produit matériel, mais un « agent de personnalisation des individus ». Si pour l'école de Palo Alto, tout est communication, dans la vision du postmodernisme, toute consommation représente consommation de valeurs culturelles. L'Internet peut être perçu en tant qu'entité qui peut incarner le mieux le palliatif possible pour la dichotomie entre des structures toujours modernes et un individu de plus en plus postmoderne.

 

Une telle structure et une telle approche amènent évidemment une redéfinition des rapports individu(s) / société / Etat. Si la télévision a été considérée un instrument sans égal dans l'histoire des médias, l'Internet sera certainement l'outil de l'éclatement des structures culturelles qui ne seront plus définies par la géographie, mais par les interactions avec ce monde virtuel et potentiellement illimité, ainsi que par le support de leur reproduction dans le temps objectif et dans l'espace virtuel. Ainsi, on pourrait assister à une évolution où chaque individu sera le produit d'une multitude de codes culturels, ce qui pourrait conduire à une « osmose des cultures », car, comme le disait McLuhan: « Le médium en soi est la matrice culturelle qui change les rapports des sens et les modèles de perception. » (« Le médium c'est le message », Canada, HNM, 1968, p. 153).

 

 

Le réseau Internet est déjà suffisamment développé pour être considéré comme un médium d'information légitime. Grâce à cette gigantesque toile d'araignée, l'information est devenue planétaire et presque abolit les notions d'espace et temps. Textes, sons, images, programmes et banques de données peuvent être lus, copiés, téléchargés depuis n'importe quel endroit de la planète. Tous ces nouveaux supports modifient la façon de traiter l'information, car l'Internet apporte indéniablement un plus à l'utilisateur : l'interactivité ; par le biais de cet aspect, l'individu n'est plus passif dans son rapport avec l'information. 

 

Les théoriciens des médias électroniques proposent trois niveaux d'information. D'abord, on considère les données primaires qui représentent plutôt un savoir encyclopédique (par exemple, les dates d'événements historiques). Le niveau suivant est constitué par les métadonnées, vues comme un savoir classificatoire, c'est à dire des informations sur l'emplacement et les manières d'obtenir l'information désirée (par exemple, les bases de données). Finalement, les données dérivées qui sont issues d'un pouvoir d'analyse et de comparaison qui permet d'engendrer l'accès à un second niveau d'information lorsque des savoirs ayant des sources diverses sont mis en commun. La société de l'information privilégie cette troisième forme de savoir comme étant la plus importante pour l'ensemble du processus. 

 

L'Internet apparaît donc en tant qu'une mégabase de données en constante actualisation et les aptitudes à la gestion de l'information deviennent prédominantes et valorisées puisqu'elles permettent l'avènement des données dérivées ayant une plus grande valeur, ce qui détermine la reconnaissance de l'Internet en tant qu'objet de pouvoir.

 

La quantité immense d'informations numériques accessibles à la multitude d'utilisateurs potentiels fait d'Internet le médium et l'outil par excellence pour produire ces données dérivées. Ses possibilités d'interactivité et de circulation de l'information en temps réel amènent d'autant plus une augmentation marquée de la valeur de l'information qui, en même temps, acquiert une pertinence éphémère. Ainsi, on peut dire que l'information devient une marchandise périssable.

 

Bien que le sujet de la société postindustrielle s'est déjà orienté d'une façon marquée vers une pensée postmoderne, l'Etat reste dépendant des idées de la modernité dont il est issu. Les gouvernements devront donc se plier aux exigences de cette tension dichotomique, dans un ajustement mutuel, et l'Internet se constitue dans un outil qui permettra cette réconciliation.

 

Dans ce contexte, on constate évidemment un changement significatif du cadre législatif ; ainsi, le Gouvernement de Roumanie après d'amples consultations avec ceux intéressés et suite à un débat public approfondi a élaboré et adopté une « Stratégie nationale pour promouvoir la Nouvelle économie et la Société de l'Information ».

 

La société de l'information représente vraiment une nouvelle étape de la civilisation humaine, qui implique l'usage intensif de l'information dans toutes les sphères de l'activité et de l'existence humaine, ayant un puissant impact économique et social. Les avantages offerts par la société de l'information sont surtout un ample accès des membres de la société à l'information, une nouvelle manière de travail et de connaissance, l'amplification de la possibilité de la globalisation économique et la croissance de la cohésion sociale.

 

La technologie de l'information, la technologie des communications et la production de contenu digital constituent, par leur convergence, le support technologique de la nouvelle société. L'une de plus importantes et naturelles conséquences du progrès technologique est constituée par l'apparition de nouveaux services et applications télématiques multimédia, qui combinent le texte, l'image et le son, en utilisant tous les moyens de communication (téléphone, télécopieuse, télévision et ordinateur). Le développement de ces nouveaux moyens de communication et de technologie de l'information a des conséquences sur l'activité économique, en offrant une meilleure organisation et de nouveaux emplois. En même temps, on offre des perspectives pour moderniser des services publics, l'assistance médicale, le management de l'environnement et la communication interinstitutionnelle. La société de l'information intègre les objectifs du développement durable, parmi lesquels la justice sociale, l'égalité des chances, la protection écologique, la diversité culturelle, le développement innovateur, la restructuration de l'industrie et du milieu d'affaires.

 

Les nouvelles technologies digitales rendent l'accès, le stockage et la transmission des informations de plus en plus faciles et accessibles du point de vue financier. En disposant de l'information digitale, celle-ci crée de nouvelles valeurs économiques et sociales, par les opportunités de développement des produits et des services. Ainsi, l'information devient une ressource-clé  et facteur de production pour l'économie digitale.

 

A partir des années '90, l'évolution des technologies software, le développement explosif des réseaux de communication de données et des services qui ont comme base l'Internet ont produit des changements profonds dans le monde entier ; un rôle extrêmement important a été représenté par la promotion des politiques concernant la privatisation et la promotion de la compétition sur le marché des NTIC, les réglementations juridiques, les stratégies nationales et régionales de développement de la société informationnelle. Tous les pays développés ont élaboré et mis en oeuvre des politiques gouvernementales concernant la recherche, le développement et l'adoption des technologies nouvelles, la consolidation d'infrastructures informationnelles nationales, la formation des spécialistes, l'éducation de la population, la coopération avec le secteur privé et l'encouragement des investissements, la promotion des projets gouvernementaux qui ont le rôle de démontrer l'utilité des services spécifiques à la société informationnelle.  

 

La construction d'un nouveau model de société implique des problèmes sociaux et politiques dont la solution est un dialogue ample entre les autorités gouvernementales, les représentants du milieu d'affaires, du milieu académique et de la société civile, a l'échelon régional, national et global. Les gouvernements et les institutions subordonnées ont le rôle de stimuler, conduire et contrôler ce processus de transition vers la société de l'information par des programmes d'actions concrets et par la création d'un cadre de réglementations spécifiques.  

 

Dans ce contexte, l'Union européenne, par ses organismes politiques et exécutifs a pris, à partir de 1993, une série de décisions stratégiques et a élaboré des programmes ; l'un des plus récents  documents stratégiques est « eEurope - une société informationnelle pour tous », par lequel on se propose l'accélération de la mise en oeuvre des technologies digitales en Europe.

 

Les objectifs principaux de eEurope sont :

·       assurer la communication en ligne pour chaque maison, école, société et institution d'administration publique ;

·       créer la culture digitale d'Europe, pour les investisseurs dynamiques disposés de financer et développer ces idées innovatrices ; 

·       assurer le principe conformément auquel la transition vers l'ère digitale doit être un processus comprenant la société entière, pour offrir un sentiment de confiance aux citoyens et d'augmenter la cohésion sociale.

 

Pour la mise en oeuvre de ces objectifs, on a adopté à Feira, en 2000, le plan d'action eEurope, qui a été mis a jour à Séville en 2002. Premièrement, on propose une série d'actions pour assurer l'accès économique et rapide à Internet, pour la gestion des ressources humaines capables de développer et utiliser les technologies nouvelles et pour la stimulation de l'utilisation de l'Internet au niveau européen.

 

Les objectifs eEurope sont extrêmement importants pas seulement pour les pays qui sont déjà membres de l'Union européenne, mais aussi pour les pays d'Europe centrale et d'est, qui sont candidats à l'adhésion. Les rythmes de développement et utilisation des NTI dans tous les secteurs économiques et sociaux influenceront d'une manière directe le rythme du processus d'intégration européenne. La conférence ministérielle des pays d'Europe centrale et d'est qui a eu lieu à Warszawa en mai 2000 a décidé l'élaboration d'un plan d'action eEurope+ pour les pays en cours d'adhésion, complémentaire avec celui des pays membres de l'UE, mais convergent par ses objectifs.

Le programme eEurope+ a été officiellement lancé  par les Premiers ministres des pays candidats à l'occasion du Sommet européen de Göteborg  de juin 2001. Par rapport aux actions et objectifs prévus par les pays de l'UE, le plan eEurope+ contient également un objectif supplémentaire au sujet de l'accélération de l'assurance d'éléments fondamentaux pour la société de l'information dans les pays candidats à l'adhésion, par le développement de l'accessibilité des services de communication et par l'adoption des éléments de l'acquis communautaire spécifiques à la société de l'information.

 

 

En conclusion, s'ouvre devant nous, également dans le plan politique, un champs de recherche particulièrement fertile en ce qui concerne les rapports communicationnels, idéologiques et sociologiques, engendrés par la diffusion et l'utilisation de plus en plus accrues de l'Internet et de ses composantes.