PARRINI-ALEMANNO Sylvie

84, corniche André de Joly           

06 300 NICE            France

00 33 (0)6 81 29 02 62, parrini@unice.fr

Chercheur au CERIC, Université de MONTPELLIER

CIFSIC - BUCAREST- 2003

Atelier A

Communication des organisations : paysage des recherches francophones

Vers une version de la communication interne des organisations comme média de la culture d'entreprise 

résumé

La communication interne s'occupe d'organiser, de gérer et de diriger les ressources humaines et les relations interactionnelles à l'intérieur de l'enceinte de l'organisation (Mucchielli, 2001). Or le contexte social et économique troublé renvoie aux incertitudes de l'individu (A. Ehrenberg, 1995), à la souffrance au travail ( Dejours, 1998). Dans le contexte professionnel tout particulièrement réglementé, la communication interne apparaît comme l'espace de la vie d'une entreprise où l'on tente de traiter le « problème » humain : imparfait, mouvant, quelquefois imprévisible, c'est un espace où le plaisir peut encore arriver, celui aussi où la souffrance se trahit plus qu'elle ne s'exprime (F Mesnard, 1999). C'est la difficulté que rencontrent les entreprises, celle de la gestion de l'affectif qui parcourt sans cesse les interrelations socioprofessionnelles. Car c'est bien « l'individuel » que la communication interne de l'entreprise tente de « fondre » dans le collectif. Les malaises existant au sein de celle-ci expriment en retour les failles du tissu communicationnel. Or ce maillage communicationnel s'est constitué au fil du temps dans un contexte donné tissé par chacun des acteurs de l'organisation.                                                        Les études de ces dernières décennies sur le groupe et les institutions ont mis en évidence les enjeux psychiques, individuels et groupaux qui régissent les communications interpersonnelles. Les liens institués constituent, à moment donné, une groupalité fonctionnant sous l'égide de normes et de valeurs intériorisées qui conditionnent toutes les relations dans l'entreprise. La culture d'entreprise, porteuse du sens de l'histoire d'une entreprise est la « mémoire » des conflits et mutations qui participent à l'évolution, la vie et la mort dans et des entreprises. (Enriquez, 1987).                                                  Dès lors il est possible de poser notre problématique de la communication interne d'une organisation comme média de sa culture d'entreprise, elle en révèle les cicatrices mémorielles, reliques de crises dont la nature pourrait bien porter le devenir de l'entreprise. La demande d'une entreprise d'une « consultation » ou d'une formation en communication permet de poser un type de recherche-action au fondement d'une psychologie de la communication organisationnelle tant du point de vue épistémologique que méthodologique.

PARRINI-ALEMANNO Sylvie

84, corniche André de Joly      

06 300 NICE                FRANCE

00 33 (0)6 81 29 02 62, parrini@unice.fr

Chercheur au CERIC, Université de MONTPELLIER

CIFSIC - BUCAREST- 2003

Atelier A

Communication des organisations : paysage des recherches francophones

Vers une version de la communication interne des organisations comme média dela culture d'entreprise 

La communication des organisations produisant des biens et des services, se constitue d'une partie externe représentée par le marketing et d'une interne représentée par les outils, les méthodes et les ressources humaines. Ce qui nous intéresse ici ce sont les ressources humaines pour leur part relationnelle dans la communication interne. Les études psychologiques et sociologiques sur l'homme au travail centrées sur le « facteur humain » (Dejours, 2002), peuvent permettre de positionner cette notion dans la perspective communicationnelle. Les dysfonctionnements sont à resituer dans cet « ensemble d'actions d'échange, organisé et finalisé se déroulant entre différents acteurs » (A. Mucchielli, 2001) qui définit la communication interne. Dés lors les liens organisationnels qui se tissent ne sont-ils pas à resituer dans la problématique d'une dynamique des investissements individuels et collectifs qui nouent le tissage culturel de l'organisation ?                                                            Pour aborder la communication interne sur ce versant du tissage communicationnel nous avons fait un détour conceptuel par la théorie psychanalytique. Si nous prenons en compte tenu les travaux actuels sur l'incertitude de l'individu (Erhenberg, 1995) et la souffrance au travail (Dejours, 1998), le trouble émergeant paraît toucher l'estime de soi. C'est pourquoi il nous a paru pertinent d'emprunter les concepts socle de cette dernière notion ceux de narcissisme et de contrat narcissique (Aulagnier, 1981) qui s'explicitent du point de vue du développement individuel et (Enriquez, 1987) de la dynamique organisationnelle. Cette optique nous permet de présenter alors la communication interne non plus comme un outil stratégique mais comme un média qui peut laisser passer « un symptôme »[1]. Par conséquence la lecture de la souffrance du personnel devient possible. L'exposé de notre point de vue envisage la potentielle transposition dans le cadre épistémologique des sciences de l'information et de la communication, des notions transdisciplinaires de liens institutionnels et de contrat narcissique qui attachent l'individu au collectif, empruntées à une clinique : celle des groupes[2].                                                                                                                     Les objectifs de notre démarche visent des ouvertures praxéologique et épistémologique dans le champ des recherches en communication des organisations qui nous apparaissent comme nécessaires actuellement. En effet, la communication se trouve au point de convergence des différents services qui composent une organisation : son rôle est de médiatiser les messages afférents et non de soigner les maux singuliers. Or une recherche sur la communication de relation organisationnelle compte tenu de la proximité de cette singularité ordinairement traitée par la psychologie nous paraît ne pas permettre l'économie des apports de la clinique des groupes.                                                                                               L'originalité de notre démarche pour ne pas sembler dissidente ou artificielle s'appuie sur des travaux de recherche empiriques menés dans des organisations de taille variable dont le point commun était une demande biaisée de formation pour pouvoir « mieux » communiquer. D'une façon très concise, les méthodologies de recherche et d'action se rattachent à une analyse qualitative et interprétative l'une communicationnelle en liaison de sens avec une autre psycho-communicationnelle. Les deux concourent à un éclaircissement sur les modes de fonctionnement d'un groupe- entreprise, guidés par les aléas de l'histoire de l'entreprise. Le second appui réside dans les travaux et réflexions sur la communication, le travail, son sens dans la vie des individus et les souffrances qu'il peut entraîner. Pour finir, la mise en relation fonctionnelle de la communication interne et de la culture d'entreprise justifie et implique le croisement entre les outils conceptuels de la communication et de la psychanalyse.

Eléments de problématique

La notion d « organisation » ne peut se départir d'un contexte du pensé sur la communication et la culture d'entreprise. « Si communiquer c'est d'abord « avoir en commun », le monde moderne et les réseaux qui le maillent ne cessent de renouveler nos façons d'être ensemble, et de ramifier nos mondes en les morcelant. » (D. Bougnoux, 1998 : 14). Le terme « communication » recouvre une chaîne relationnelle infinie de l'interpersonnel au planétaire et des modalités multiformes de nouage du lien social. Les « problématiques » de la communication (L. Sfez, 1993), rendent compte de la multiplicité des facettes d'un domaine multiforme où l'homme organise toutes les communications par l'intermédiaire des machines. Alain Cotta (1993) prétend que celles-ci le libèrent « des limites de son intelligence en lui offrant des prothèses qui lui épargnent de devoir « comprendre » et le rendent ainsi plus proche de ses désirs ». Ce sont les désirs consuméristes qu'Alain Cotta (1993) évoque en ces termes. Il en va de même pour la relation virtuelle avec un autre : elle éloigne de cette épreuve de réalité que constitue la relation directe. Or la recherche des autres, recherche du « contact », demeure pourtant fondamentale car elle porte en elle le désir. Au coeur même de toutes communications, le désir porte le succès mais aussi la perte de la communication. De fait, les modes de relation qu'instaurent les nouvelles technologies repoussent, inévitablement, le contact interpersonnel direct (cf.intranet). Le virtuel est une version de la modernité dans les discours sur et de la communication. Ceux-ci marquent la place déterminante d'un environnement, lui-même à formes multiples évacuant la réalité interactionnelle sensible. Elle est pourtant au coeur des relations interprofessionnelles dans les lieux de production économique réunissant dans un même espace-temps les complémentarités techniques, les divergences politiques, les différences affectives d'individus qui ne se sont pas choisis car tout au plus ont-ils élu une marque, un nom, un renom... . Et ce n'est que fort peu consciemment qu'ils seront pris dans les « filets » culturels de l'entreprise.                              L'organisation nouvel ordre social, « un phénomène sociétal », un « épicentre communautaire » ( Schwebig, 1988) est effectivement le lieu d'un grand nombre de possibles relationnels, à travers les formes de communications qui s'y établissent : l'ordre y est important pour que la production d'objets, ou de services, soit rentable. La gestion de cet « ordre » passe pour partie par la communication d'entreprise qui réunit tous les aspects de la communication en interne et en externe prenant la forme d'une communication corporate. La communication interne s'occupe d'organiser, de gérer et de diriger les ressources humaines et les interrelations professionnelles à l'intérieur de son enceinte. La communication externe a en charge de créer, de diffuser, de valoriser l'image de l'entreprise, de sa production et du groupe de salariés qui la compose. Ces deux versants constituent à travers les normes, rituels, injonctions et prescriptions qui en émergent, la culture d'entreprise.                             « Phénomène social total, c'est-à-dire un tout, quelque chose de global qui fonctionne comme un ensemble, avec des éléments indissociablement imbriqués les uns dans les autres et interdépendants les uns des autres » (A. Mucchielli,1983), l'entreprise est faite de liaisons et de liens serrés actualisant un système. Dans ce système «les parties sont des êtres humains, contribuant volontairement par leurs connaissances, habileté et adhésion à une aventure commune »(Lussato, 1992, Druker, 1959). L'entreprise est ainsi constituée comme un système, avec ses règles et ses normes auxquelles elle soumettra tout « nouvel entrant ». De cette façon, l'organisation instaure des « resserrements » internes nécessaires à la cohésion entre ses membres. Les organisations en effet, sont soumises aux pressions de leur environnement socio-économique, politique et financier avec lequel elles sont en inter-échange permanent. Dès lors, leur rôle est d'intégrer et de transformer au mieux ces données venues de l'extérieur, afin qu'elles servent les intérêts du groupe des hommes qui y travaillent générant, installant et cultivant ainsi l'identité du groupe-entreprise. Ces échanges sont contractualisés dès l'arrivée de l'entrant mais le contrat va bien au delà du contrat de travail légal. Au bout du compte si les «organisations assurent la satisfaction de nos besoins (...) elles nous exploitent, elles nous entretiennent et elles nous tourmentent... » (Mintzberg, 1989)   Si les tourments de l'organisation s'actualisent dans les dysfonctionnements de la communication interne, objet de nos recherche et réflexion, c'est dans les travaux de la psychanalyse des groupes qu'une piste épistémique nous apparaît pour éclairer cette expression particulière de la souffrance au travail. La plupart des concepts psychanalytiques que l'on retrouve dans la clinique des groupes, est issue des théories freudiennes (cf. le narcissisme). R. Kaës, spécialiste de la psychanalyse des groupes (1996), à la suite de D. Anzieu identifie et théorise les liens « institutionnalisés » et « institués » posant que « les implications et les incidences de ces liens, sur le fonctionnement de l'institution tout entière, ont leur origine dans le « contrat narcissique ». Ce dernier est le lien fondamental et vital de tout être naissant dans un groupe famille car il est dépositaire de son identité (Aulagnier, 1981). Par conséquent, l'hypothèse de l'inconscient comme régisseur des fondations de toutes communications s'impose. En effet ; dans l'institution-entreprise, les membres du groupe sont assujettis à des liaisons psychiques et sociales et se réfèrent à des représentations communes de façon partiellement inconsciente. Plaisir et souffrance au travail seront à revoir, et à redéfinir, si l'on tient compte de stratégies inconscientes identitaires des discours entrepreneuriaux contenus dans la culture d'entreprise, et véhiculés par la communication interne.

Les éléments ou les « considérants » (Paillé, 1996) de notre problématique sont ainsi posés : la communication interne dans son versant inter-relationnel socioprofessionnel et non prise comme un ensemble de méthodes et outils permet l'assimilation-intégration consiente et inconsciente de la culture d'une entreprise par un sujet, une partie du groupe-entreprise ou sa totalité. La mise en place du champ de cette recherche s'appuie sur la perspective systémique et constructiviste de la communication interne (Mucchielli, 2001) et sur les théories de la psychanalyse des groupes (R. Kaës, 1999). Il devient possible de décrire en profondeur le lien socioprofessionnel comme étant de nature intersubjective biface, un côté tourné vers le conscient, l'autre vers l'inconscient. Le concept clé en est le contrat narcissique et d'une certaine façon sa figuration-représentation dans le contrat de travail. Corrélativement la définition du travail, base systémique de toutes formes de communications des organisations s'en trouve modifiée de même que le rapport de l'homme au travail et les nouvelles formes de souffrances en découlant. La notion de travail mérite d'être précisée dans une perspective communicationnelle.

Le « travail » comme lien socio-professionnel et base de la communication inter-professionnelle.

Suivant l'acception psychanalytique le travail occupe une place dans la vie sociale et psychique d'un individu. « La possibilité de transférer les composantes narcissiques, agressives, voire érotiques, de la libido dans le travail professionnel et les relations sociales qu'il implique, donne à ce dernier une valeur qui ne cède en rien à celle que lui confère le fait d'être indispensable à l'individu pour le maintenir et justifier son existence au sein de la société » (S. Freud, 1929/1936). Ces deux versants nous intéressent, l'un se rapporte à l'individu dans sa singularité, l'autre dans sa « groupalité » et son rapport au réseau de communication socio-professionnelle. Le travail possède cette fonction d'interface puisqu'il ancre l'individu dans la réalité ou dans « cette fraction de la réalité que constitue la société », tout en lui assurant un équilibre psychologique et une intégration sociale dont plaisir et jouissance ne sont pas absents. Elément indispensable, vital, l'absence de travail crée un manque qui entraîne d'irréversibles dommages individuels et collectifs. « Conduite vitale » et « composante narcissique », le travail professionnel s'inscrit dans le psychisme (id); il assure l'équilibre du sujet et présente le double avantage de l'intégrer au groupe social tout en complétant son identité. Bien plus encore, le travail professionnel est une « preuve de la puissance de l'homo laborens dans l'imaginaire social (...il est un) faire définitoire(...)» (P.L. Assoun, 1997) dont l'absence expose le chômeur au « désêtre». Le travail en tant que tâche à accomplir et la situation professionnelle en tant que contexte agissent comme marqueurs identitaires constitutifs d'un cadre et d'un l'étayage du sujet. Au sens clinique du terme, le travail est un phénomène dont on mesure la saillance au moment de sa défaillance. Les carences dans l'investissement d'une activité professionnelle, ou la perte de cette activité, affectent l'individu et le groupe car elles ravivent des plaies narcissiques plus anciennes de façon destructrice voire mortifère.                                                                                                Le point de vue sociologique présente aussi le travail comme un principe fondamental des sociétés modernes même après les crises des trente glorieuses. Il place les individus dans la logique d'une productivité vitale individuelle et collective (Sainsaulieu, 1977, 1988). L'évolution vers la prise en compte du « facteur humain » dans le grand réseau interactionnel professionnel. Cette définition contourne le délicat problème de l'idéologie portant sur le travail et ses corollaires le rendement, la hiérarchie, le profit, l'environnement (F. Taylor, 1965, H. Ford, 1925, M. Crozier et E. Friedberg, 1977). Ces éléments sur le sens du travail ont largement contribué à nourrir la réflexion sur le lien socio-professionnel et ont fait évoluer les situations et les conditions de travail (J. Palmade, 1993).                                                 Au croisement de ces approches est la perspective communicationnelle qui dessine et place cette parabole du travail : le travail n'est que la métaphore de l'individu au travail en relation et en situation, autrement dit en communication avec d'autres, avec un ensemble, avec un environnement dont il dépend et qu'il va contribuer à modifier. Dès lors les relations noueuses et complexes qui naissent sont susceptibles de mettre le sujet en une souffrance d'un type particulier ; celle des liens organisationnels (V.de Gaulejac, 1987). Ce type de souffrance peut être explicitée suivant l'hypothèse d'une relation entre la communication interne et de la culture d'entreprise.

Une autre forme souffrance au travail : la souffrance de liens et défaillance du contrat

Le travail peut être associé, dans certaines conditions, à la notion de souffrances et à celle d'efforts. C'est un aspect qui est apparu nettement au moment de l'époque taylorienne. Or les difficultés que connaissent aujourd'hui certains travailleurs -- les études de l'époque post-taylorienne l'avaient amplement mis en évidence -- sont bien là pour rappeler que la question de la fatigue excessive, notamment sur le plan physique, n'est pas la seule à prendre en compte. Les considérations apportées par divers travaux sur la souffrance au travail (Cf. C. Dejours, 1998), indique l'existence d'un malaise qui perdure et marque la fin du XXème siècle, touchant les salariés de façon endémique. Le malaise économique invite, si ce n'est impose, à ceux qui ont un travail, de le conserver, quelle que soit la façon dont ils se l'approprient. D'ailleurs, les objectifs « des employés deviennent multiples et à pondération fluctuante au gré des contraintes de circonstances, encore qu'une évidente priorité est accordée à la stabilité de l'emploi. » (Cotta, 1993). Dès lors que cette stabilité existe, elle devient le pendant des renoncements individuels pour l'entrée dans une culture entrepreneuriale modifiant l'équilibre narcissique du sujet. L'investissement dans le travail peut alors revêtir une qualité qui contribue à l'alchimie ouvrant au plaisir de travailler. Actuellement les réflexions ne portent plus sur le fait que le travailleur soit, ou ne soit pas, un exécutant mécanisé mais sur la nécessité vitale de communication sur un lieu où chaque salarié passe les deux tiers de sa vie. Si chacun essayait, il y a quelques années à peine, de conserver le meilleur rapport entre la « pénibilité du travail » et la « meilleure rentabilité financière » (Cotta, 1993), aujourd'hui, l'ensemble social tente désespérément de préserver l'emploi. Ce contexte social et économique troublé renvoie aux incertitudes de l'individu (Erhenberg, 1995), ou à la souffrance au travail (Dejours, 1998). Certains spécialistes le confirment. Françoise Mesnard, médecin du travail au simt des Deux-Sèvres, à propos des salariés qu'elle reçoit régulièrement précise que « depuis quelques années il ne se passe plus une semaine sans qu'un salarié ne s'effondre en visite médicale car il ne supporte plus sa situation professionnelle. » (F. Mesnard, 1999) «  »Docteur, je n'en peux plus (...) » lâchent ces salariés naufragés en essayant d'exprimer ce sentiment indicible de n'être plus rien. Leurs mots sortent, désordonnés d'avoir été si longtemps étouffés ».                                                        La rencontre avec le monde du travail, telle qu'elle s'offre à voir et à entendre, comporte en germes les désillusions accrues de l'entrant dans une entreprise par rapport aux espoirs dont cette arrivée était porteuse. « (...) Au bout de tout ça, rien, le néant, pas la moindre reconnaissance (...). De quoi iraient-ils se plaindre alors que d'autres n'ont pas de travail ? » (Id., Ibid.). La confusion règne, et le « tout accepter » associé à la « honte » (Dejours, 1998) qu'il génère donne aux salariés des sentiments de culpabilité difficiles à gérer dans la réalité quotidienne de la vie professionnelle. Un nouveau type de souffrance jalonne certains parcours professionnels, elle porte directement sur l'estime de soi, le narcissisme et la réactivation d'un contrat plus ancien, familial sur les traces duquel l'organisation repasse rappelant combien les liens sont fragiles est attaquables.                                                                  Ce type de souffrance au travail est à différenciée de la souffrance individuelle, elle est dans la problématique narcissique de l'organisation suivant laquelle le contrat passée avec le groupe était fondé sur un échange autant salarial que narcissique. Les communications intra organisationnelles devaient nourrir chacun d'une estime structurante. « La promesse », au sens de N. d'Almeida (2001) « comme ressort de la communication (...où...) la création du lien se fait ici par la construction d'un jeu d'attentes »  porte les messages culturels à apprendre pour entrer dans la codification identitaire de l'entreprise mais aussi le risque de la défaillance de l'organisation, de ne pas retourner le salaire narcissique permettant à l'individu de supporter le « risque » de la relation. Les défaillances se cristallisent dans des crises de nature et de forme variables mais toujours révélées par des troubles communicationnels. Ces configurations criséales font alors émerger la communication interne comme média de la culture d'entreprise. C'est en tant que telle qu'elle peut alors être « traitées » : le parcours exploratoire préalable étayage de notre réflexion théorique conduit à une méthodologie de recherche-action sous la forme d'intervention dans des organisations « souffrant » de troubles de communication.

Une méthodologie de recherche-action

La communication interne n'est pas seulement une profession ( J.M. Peretti, 1996) tels que DRH, responsable de communication..., des outils et méthodes (M.H. Wesphalen, 1998) ou techniques de management (J. M. Auvinet, 1990) mais la combinaison de tous ces éléments. L'approche constructiviste d'A. Mucchielli (2002) nous enseigne que la communication interne est  « une ensemble d'actions, d'échange, organisé et finalisé se déroulant entre différents acteurs et piloté par la hiérarchie... ». Un point de vue plus anthropologique et clinique nous fera ajouter à cette définition la fonction de canal d'informations qu'elle occupe pour véhiculer les facteurs informels verbaux et non verbaux significatifs des interprétations du groupe quant aux messages de la direction, les rituels et les rumeurs possiblement témoins d'une faille identitaire de l'organisation.                                       Il arrive qu'une entreprise, à un moment donné de son histoire, soit amenée à mesurer l'incidence des troubles relationnels sur sa progression et sa production. Pour y remédier, elle peut s'organiser en interne ou faire appel à des formations de l'extérieur, grâce au « marché » pléthorique des formations en communication, audits et méthodes. Quelquefois l'expression de la souffrance détectable par le responsable d'entreprise à travers des dysfonctionnements communicationnels déclenche une demande même « biaisée » de résoudre des troubles de la communication inter-personnelle. L'intervention est alors de nature psycho-communicationnelle, un peu hybride mais de permettant l'entrée dans une recherche-action susceptible d'apporter des réponse à notre objet de recherche.                                                        Chaque intervention en communication dans une organisation est strictement retranscrite ainsi que l'histoire de l'entreprise et de ses fondateurs et dirigeants, l'environnement dans le quel elle se déroule, les anecdotes... La méthodes d'analyse des résultats procède des méthodes anthropologiques (Thèvenet 1993), de l'audit de l'information et de la communication et l'analyse communicationnelle (Mucchielli, 2001) et l'hypothèse interprétative psychanalytique (Kaës, 1987,1988, 1996, Enriquez, 1987)..                                    Ce type de recherche-action nous a permis d'affiner la problématique de départ. Il en résulte qu'un individu est toujours sujet d'un groupe. Son histoire, unique et originale, est en fait, une partie d'un roman familial qui le précède depuis déjà bien longtemps. Et l'histoire de tout individu qui entre dans un groupe donne et prend à l'histoire de l'organisation contribuant à en édifier la culture. Elle est, en effet, l'histoire collective d'une entreprise telle que son fondateur, et le groupe qui l'a suivi, en ont tracé les lignes directrices. Les liens institués constituent, à moment donné, une groupalité fonctionnant sous l'égide de normes et de valeurs intériorisées qui conditionnent toutes les relations dans l'entreprise. La culture d'entreprise, et le cortège de représentations qui s'y rattachent (Etchegoyen, 1990), l'attachent, l'alimentent et trouvent leur origine dans le désir et le « rêve » d'un dirigeant au moment de sa fondation. Qu'est-ce qui se cultive exactement si ce n'est le désir d'exister, d'advenir à soi-même, dans une réalisation professionnelle qui justifie et soulage si bien cette archaïque recherche de l'autre ? La culture d'entreprise, porteuse du sens de l'histoire d'une entreprise, et par-delà de celle de son fondateur, est associée à toutes les théories managériales. Elle est la « mémoire » des conflits et mutations qui participent à l'évolution, la vie et la mort dans et des entreprises mais au bout du compte se doit d'être préservée et de  présenter une image « saine » de l'organisation.                                                                           Nous avons pu ainsi déterminer une logique organisationnelle : la communication interne est un média de la culture d'entreprise garante d'un contrat d'intégration-assimilation de chacun des membres et du groupe tout entier. Il est possible ainsi de retrouver la trace de l'origine des troubles de communication en « retournant » à la source de la relation. (Enriquez, 1992).

Le cadre général de nos recherches s'est fait jour sous les influences d'un environnement socio-économique favorisant l'inquiétude et la perspective de ruptures sociales, dans son actualité de marasme sans doute responsable des relations que beaucoup d'individus entretiennent, désormais, avec le travail. Par ailleurs, la nécessité pour les entreprises d'installer dans leurs murs un « secteur » identifié, réservé à la communication interne et à ses différents protagonistes, témoigne d'un souci de régulation et de maîtrise des relations humaines.                                                                                                                                 Pour constituer un cadre spécifique à notre recherche, nous en avons donc posé l'objet qui est le surgissement d'une souffrance au travail exprimée dans la communication interne par des dysfonctionnements notables, les objectifs qui sont de mettre en évidence la relation entre communication interne et culture d'entreprise basée sur un contrat que nous disons narcissique par une méthode de recherche action, les conditions d'émergence de la recherche sont le contexte socio-économique, le sens et la relation au travail, la défaillance des outils et méthodes de communication                                                                                                                         Cette recherche comporte en elle-même ses limites. Au plan de la méthodologie la faisabilité de la recherche passe par la mise en place d'une recherche-action qui prend la forme d'une intervention en communication dans une entreprise et suppose pour sa faisabilité une demande de l'entreprise. La demande et ses caractéristiques, ma place de clinicienne de la communication à l'intérieur de cette relation mérite d'être explicitée face à sa complexité entre la volonté de rétablir la communication interpersonnelle et celle d'impliquer le manager face à son histoire personnelle. La validation de l'analyse des résultats mérite une formalisation plus stable dans le champ de sciences de l'information et de la communication tant elle profite mais subit aussi le croisement de plusieurs disciplines.

En cours de constitution cette recherche-action et la problématique qui la porte nous semble bien correspondre au « nouveau paradigme » de la communication interne qui « en donnant la parole aux hommes dans l'organisation, les constitue en partenaires impliqués, compétents et inventifs sur leurs problèmes « (Mucchielli, 2001)

 

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