Les TICE : une nouvelle manière d'enseigner.

Les cas d'une communauté virtuelle des enseignants

 

Kalogiannakis Michail

Département Sciences de l'Education, Université Paris 5 - René Descartes

Laboratoire Education et Apprentissages (EA3626)

 

 

1. Introduction

 

Dans le contexte actuel, avec le développement des technologies de l'information et de la communication (TIC) pour l'éducation, appelées souvent TICE, nous avons assisté à de profonds changements au niveau de la communication en milieu scolaire. Le développement rapide des TICE, le fait qu'elles constituent un réservoir quasi illimité d'informations, une sorte de gigantesque bibliothèque, et les possibilités diversifiées qu'elles offrent pour ce qui est du partage et de la diffusion des informations, contraignent l'école à déterminer la place qu'elle devrait leur accorder.

 

Les recherches sur les TICE concernent également les relations entre les technologies et le tissu social, et les nouveaux rôles des enseignants sont en relation avec les environnements pédagogiques qui garantissent la dynamique de l'apprentissage. Ce n'est pas la première fois que l'école est confrontée à l'arrivée de nouveaux outils technologiques : à plusieurs reprises en effet, les enseignants ont dû prendre des décisions importantes quant à l'intégration ou non de nouveaux outils dans leur démarche pédagogique. Agostinelli (1996) propose de définir le multimédia comme un système complexe qui autorise, pour chaque utilisateur, une construction personnelle de l'objet qu'il explore. Par l'intermédiaire des moyens technologiques appropriés, les élèves sont en mesure d'avoir accès, de manière autonome, aux savoirs et aux informations que les enseignants avaient la responsabilité de mettre à leur disposition.

 

Pour Breton (2000), Internet est la véritable « église » de ceux qui vénèrent l'information et les réseaux, les ordinateurs, et toutes les machines à communiquer deviennent autant de lieux privilégiés, quasi exclusifs, où se pratique ce nouveau culte. Nouveau culte qui, selon lui, « rend caduques les formes « anciennes » de communication, de médiation, de savoir, de loisir et d'une façon plus générale, de contact avec les autres». De plus, toutes nos communications n'ont pas besoin de se faire en temps réel. Le courrier électronique connaît une extraordinaire popularité parce que c'est un média à la fois asynchrone et lisible par un ordinateur (Negroponte, 1995).

 

Notre recherche concerne les nouveaux rôles des enseignants de sciences physiques, face aux TICE, tels qu'ils peuvent être déterminés à travers des entretiens. Nous introduisons le terme « e-entretien » que nous pourrions appeler également « entretiens à distance », pour décrire les 14 entretiens effectués dans le cadre de cette recherche avec des enseignants de sciences physiques qui appartiennent à une communauté virtuelle. Il s'agit de la communauté virtuelle des enseignants qui sont abonnés à deux listes de diffusion du Ministère de l'Education, lequel a créé en novembre 1999 la liste PHYSCHIM et en mars 2000 la liste TPE-TICE, après l'introduction des Travaux Personnels Encadrés (TPE) au lycée.

 

En ce qui concerne les TPE, qui constituent la principale innovation de la réforme des lycées de 1998, ils consistent à faire effectuer aux élèves des recherches sur des thèmes pluridisciplinaires du travail en équipe et surtout le mélange des disciplines. Dans les TPE, l'équipe pédagogique du lycée propose à l'élève le choix d'un thème à traiter parmi une liste nationale. Avec l'aide des enseignants, le lycéen doit traiter, sous forme de dossier, un sujet portant sur deux des disciplines dominantes.

 

La liste PHYSCHIM se trouve à l'adresse suivante : http://listes.educnet.education.fr/wws/info/physchim et la liste TPE-TICE à l'adresse : http://listes.educnet.education.fr/wws/info/tpe-tice. Les archives de ces deux listes sont de riches sources d'échanges entre les enseignants et constituent de bons exemples de la façon dont chacun des contribuants, de son côté, peut bénéficier de la communauté. A travers ces listes de diffusion, également connues sous le nom de listes de discussion, la communication entre les professeurs, l'échange des pratiques et des informations constituent désormais une réalité (Kalogiannakis, 2003).Pour Henri et Lungre-Cayrol (2001), la communication est faite d'interaction et de dialogue et la communication y domine ; elle en est le coeur. Il est important d'étudier ce nouvel espace de communication (Beaudouin et Velkovska, 1999), car il s'agit d'un véritable environnement d'apprentissage, comme c'est le cas, dans notre recherche, pour la communauté virtuelle des enseignants de sciences physiques dans les listes TPE-TICE et PHYSCHIM. Une première analyse et quelques résultats significatifs à partir des ces 14 entretiens à distance seront présentés dans cet article.

 

2. Problématique - Cadre théorique

 

Les communautés virtuelles sont des regroupements socioculturels qui émergent du réseau lorsqu'un nombre suffisant d'individus participent à ces discussions publiques pendant assez de temps et en y mettant suffisamment de coeur pour que des réseaux de relations humaines se tissent au sein du cyberespace (Rheingold, 1995). Pour les enseignants de sciences physiques de notre recherche, il s'agit d'un type d'apprentissage à distance et d'auto-formation par le biais de la communication avec les pairs, du dialogue et des interactions avec les autres collègues. Dans ce contexte, ce groupe d'enseignants joue un rôle actif de soutien et s'engage dans une démarche d'apprentissage collectif. Chacun travaille activement avec sa classe, à sa manière et, au fil des échanges de pratiques dans la communauté virtuelle, l'apprentissage se réalise par le partage des expériences, des opinions et par les débats. Dans ce type de collaboration à distance, avec l'interaction qui correspondrait davantage à un échange d'informations et à un dialogue avec le groupe des professeurs participant à la communauté virtuelle, chaque enseignant a un rôle important dans la « vie » de la communauté virtuelle.

 

Pour Rheingold, les membres des communautés virtuelles font sur le réseau tout ce qu'on fait « en vrai » ; il n'y a que le corps physique qu'on laisse derrière soi. Selon lui, les discussions scientifiques les plus pointues du moment ont lieu de plus en plus au sein des communautés virtuelles. En ce sens, la collaboration des enseignants implique un engagement mutuel à un effort coordonné, ce qui est un élément très important dans la société actuelle de l'information et de la communication. Nous présentons dans la figure suivante les idées principales concernant les communautés virtuelles. En général, dans les communautés virtuelles, il s'agit d'une nouvelle manière de faire société (Levy, 2002) et, en ce qui concerne les enseignants, d'être autoformés d'une façon non conventionnelle.

 

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Le concept central pour l'étude des communautés virtuelles développé par Smith and Kollock (1999) est celui de « bien collectif ». Tout groupe se forme au sein d'un monde concurrentiel parce que les gens qui le composent estiment qu'ils peuvent gagner plus à se regrouper. C'est également le cas pour les listes de diffusion TPE-TICE et PHYSCHIM et pour les enseignants abonnés à ces deux listes et qu'on a interviewés à distance. Castels (2003) voit « nos sociétés se structurer de plus en plus autour d'une opposition bipolaire entre le Réseau et le Soi ». En ce qui concerne les réseaux, Musso (2003) pense que le réseau donne sens, fait repère et permet en même temps de réinterpréter le monde contemporain. En effet, pour lui, le réseau est aussi devenu un procédé de raisonnement pour penser ce monde.

 

Pour l'étude des listes de diffusion comme nouveau média, on peut les caractériser comme un média froid au sens de McLuhan (1985). Pour lui « il existe un principe fondamental qui différencie les médias chauds comme la radio ou le cinéma des média froids comme le téléphone ou la télévision. Un médium est chaud lorsqu'il prolonge un seul sens et lui donne une « haute définition ». Le téléphone est un médium froid, ou de faible définition, parce que l'oreille n'en reçoit qu'un faible quantité d'information. La parole est un médium froid de faible définition parce que l'auditeur reçoit peu et doit beaucoup compléter. Les médias chauds, au contraire, ne laissent à leur public que peu de blancs à remplir ou à compléter. Les médias chauds, par conséquent, découragent la participation ou l'achèvement, alors que les média froids, au contraire, les favorisent. »

 

Negroponte (1995) plaide que nous vivons dans un monde numérique. Pour lui, le média n'est pas le message, mais il en est une incarnation. Un message pourrait avoir automatiquement plusieurs incarnations à partir des mêmes données, et l'espace de l'information ne se limite en aucun cas à trois dimensions. L'expression d'une idée ou d'une réflexion ou la formulation d'une question peuvent inclure un réseau multidimensionnel de pointeurs indiquant des précisions ou des arguments que l'on peut soit appeler, soit ignorer. Negroponte parle des fous du numérique qui sont allés au-delà du multimédia pour créer un univers plus proche d'un mode de vie réel que d'un manifeste intellectuel. Ils vivent dans l'espace cybernétique. Il défend l'idée que « l'informatique est un mode de vie » dont l'idéal est de pouvoir désormais « rencontrer son prochain dans des quartiers numériques ».

 

La mondialisation de la communication a en réalité deux conséquences, aussi importantes l'une que l'autre : le renforcement du lien entre culture et communication, mais aussi l'émergence d'une nouvelle problématique de l'identité culturelle collective (Walton, 2003). Selon le même auteur, l'identité culturelle collective prend en compte deux caractéristiques importantes ; le mélange entre la culture au sens classique de patrimoine, et la culture comme cet ensemble d'informations, de connaissances, d'intuitions, comme c'est le cas dans les communautés virtuelles d'enseignants de cette recherche pour se repérer dans le monde contemporain.

 

Dans notre recherche, nous considérons que les rôles des enseignants de sciences physiques sont des modèles (Kalogiannakis, 2001) qui définissent la conduite attendue face à l'introduction des TICE et des TPE dans leurs classes.

 

3. Méthodologie

 

La méthodologie utilisée dans le cadre de cette recherche consiste essentiellement en une analyse du contenu (Miles et Huberman, 2003 ; Neuendorf, 2002) de 14 « e-entretiens » avec des enseignants de sciences physiques. La plupart des interviewés à distance étaient en poste dans des lycées plutôt éloignés de la métropole (en Inde, Martinique, Italie par exemple). Nous avons envoyé par e-mail les mêmes questions que nous avions élaborées pour des entretiens traditionnels menés dans le cadre d'une plus vaste recherche concernant les nouveaux rôles des enseignants de sciences physiques. Dans le cadre de cette recherche, nous avons analysé également quelques messages envoyés dans les listes TPE-TICE et PHYSCHIM.

 

Les enseignants interviewés à distance ont été invités à répondre à un premier questionnaire concernant quelques informations générales et quelques données personnelles (profil, type de formation, caractéristiques de leur lycée, niveau des classes). Ensuite, dans un deuxième temps, ils ont été priés de répondre à des questions portant sur les quatre axes suivants : (i) l'utilisation des TICE, (ii) la place des TPE et des TICE dans les sciences physiques, (iii) le rôle de l'enseignant de sciences physiques, (iv) leurs attentes et leurs perspectives. Dans la figure suivante, nous présentons schématiquement les axes des 14 « e-entretiens » que nous allons analyser par la suite.

 

 

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4. Analyse

 

Nous allons présenter ici une première analyse du corpus de la recherche, avec quelques résultats préliminaires concernant l'analyse des «e-entretiens » effectués. La plupart des professeurs interviewés s'étaient autoformés aux TICE. Ils parlent également d'un choix personnel, lorsqu'ils évoquent leur rapport avec les TICE, et  ils étaient tous professeurs certifiés en sciences physique et bien équipés en informatique. Un grand nombre d'entre eux passent plusieurs heures par jour connectés à l'Internet, soit chez eux, soit dans leur établissement. Leurs lycées ont été équipés différemment au niveau de l'informatique : par exemple, on rencontre un lycée avec 2 salles informatiques et 20 ordinateurs, et un autre avec 30 salles et 500 ordinateurs au total. Le niveau des élèves était caractérisé comme moyen par la plupart des enseignants interviewés.

 

Dans un premier temps, il est intéressant d'examiner l'opinion des enseignants de sciences physiques sur quelques propositions comme l'utilisation d'Internet dans la société et dans le système éducatif, et sur quelques questions fermées qu'on leur a posées dans la première partie des entretiens (la partie qu'on appelle, dans la figure 2), questionnaire avant l'entretien. Nous introduirons tout d'abord le tableau suivant afin de faciliter la compréhension de l'opinion des enseignants sur les sujets proposés :

 

Tout à fait d'accord

Plutôt

d'accord

Plutôt en désaccord

Tout à fait en désaccord

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Tableau N°1 : Les signes proposés aux enseignants interviewés

 

Pour une meilleure structure de la recherche ainsi que pour garder l'anonymat de l'échantillon, nous désignerons par la lettre eP (Professeur) et par un nombre de 1 à 14 les 14 enseignants de sciences physiques interviewés à distance. Nous aurons dorénavant les professeurs eP1, eP2, eP3, ... eP14. Dans le tableau suivant, nous présentons l'opinion des enseignants sur quelques propositions données :

 

Propositions

eP1

eP2

eP3

eP4

eP5

eP6

eP7

eP8

eP9

eP10

eP11

eP12

eP13

eP14

 

L'utilisation d'Internet va prendre une place importante

 

dans la société

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dans le système éducatif

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Internet va augmenter les inégalités sociales

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Internet va renforcer les inégalités scolaires

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Internet va entraîner une diminution des relations entre

 

professeurs et élèves

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professeurs

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professeurs et parents

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Internet risque de remplacer les enseignants dans certaines de leurs fonctions

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Tableau N°2 : L'opinion des enseignants sur quelques propositions

 

Dans la deuxième partie de l'entretien, un élément très important mentionné par plusieurs enseignants interviewés est l'augmentation de l'autonomie des élèves avec l'utilisation des TICE dans la pratique de classe et l'introduction des TPE. Comme le note précisément un enseignant interviewé : « Les élèves travaillent plus à leur rythme ; les courbes sont plus vite tracées et exploitées. Donc, en TPE : la recherche sur Internet semble être pour les élèves obligatoire ; or, souvent ils ont trop d'infos qu'ils ne savent pas toujours trier. Parfois, un livre de niveau lycée leur aurait, me semble-t-il, permis d'avoir la réponse plus rapidement et surtout beaucoup plus simple. Point positif : ils apprennent à trier des infos et développent peut-être leur sens critique. Le dossier qu'ils remettront en fin de recherche sera tapé à l'ordinateur avec insertion d'image, de tableaux etc. [...] »

 

D'après les entretiens effectués, le professeur de sciences physiques voit son rôle se modifier. Il est désormais pour ses élèves un collaborateur et un guide, surtout dans le cadre des TPE. Comme le mentionne un professeur interviewé : « Le prof a un rôle de guide, de conseiller : il n'est plus là pour « faire passer une notion nouvelle », mais plus pour aider un élève dans sa démarche de connaissance. » Un autre professeur interviewé ajoute à propos de son rôle: « Les élèves travaillent (en principe) de façon plus indépendante : j'ai l'impression de jouer plus un rôle de critique, de conseiller. »

 

Toutes aussi caractéristiques au sujet des rôles de l'enseignant de sciences physiques se révèlent les positions suivantes : « C'est tout d'abord une nouvelle contrainte puisqu'il faut gérer de nouveaux outils mais aussi adapter ces outils à chaque niveau de classe (et parfois chaque année...). En résumé, c'est se donner les moyens (pas mal d'heures de travail en dehors de la classe !) de travailler (en labo avec les élèves) avec des outils adaptés avec son temps. Le rôle de l'enseignant est donc en grande partie le même (enseigner une discipline expérimentale !) mais en s'adaptant à ces nouveaux outils pour que ses élèves puissent en profiter. »

 

            En ce qui concerne l'utilisation des listes par les professeurs de sciences physiques, la plupart des interviewés mentionnent le caractère très positif des listes : « L'utilisation des listes permet de limiter l'isolement que l'on peut ressentir face à des nouveaux programmes ou à des questions non résolues d'ordre théorique ou pratique (comment par exemple réaliser une expérience de chromatographie des sucres qui fonctionne toujours dans les livres mais rarement en labo !). On peut ainsi partager son savoir et son savoir-faire. »

 

La plupart des enseignants interviewés voient également les listes de diffusion comme de véritables réseaux pédagogiques. Un professeur interviewé ajoute : « Outil important : oui. Réseaux pédagogiques : oui, car on ne peut pas, à notre époque, travailler seul dans son coin (lycée). Il y a plus d'idées dans plusieurs cerveaux que dans un seul. L'enseignant est longtemps resté, je pense, un «travailleur solitaire.» [...] » Comme le mentionne un autre professeur interviewé, les listes de diffusion sont un lieu d'échange : « Un lieu d'échange, quel qu'il soit, est toujours un creuset possible de nouvelles idées et donc, de nouvelles solutions. » Pour eux, les listes constituent une sorte de formation permanente à distance.

 

Dans les listes de diffusion, les enseignants peuvent trouver assez rapidement des réponses à leurs interrogations, mais ils peuvent utiliser également leurs archives comme une véritable bibliothèque de pratiques et de ressources. Il s'agit d'un mode jusqu'ici inédit de formation en commun qui instaure une réelle collaboration, dans un but collectif ou partagé. Après une première analyse du corpus des « e-entretiens », nous pouvons souligner que la plupart des enseignants de sciences physiques reconnaissent le caractère très positif des TPE et des listes de diffusion, et mentionnent à cet égard, plus particulièrement, la diminution de leur isolement, surtout pour ceux qui se trouvent loin de la métropole. Toutes aussi caractéristique au sujet des listes de diffusions et de la participation de professeurs de sciences physiques se révèle la position suivante : « Il est clair que, résidant aux ANTILLES, ces listes m'ont permis d'obtenir d'autres avis, des réponses à des questions et des informations utiles ; en gros, de résoudre plus facilement les problèmes dus à l'éloignement, et augmenter ainsi l'accès à des ressources virtuelles.»

 

Le travail collectif et la mise en commun de connaissances et des pratiques comptent également, selon eux, parmi les aspects très positifs de ce nouveau type de communication dans la communauté virtuelle des enseignants. Un autre enseignant de sciences physiques mentionne parmi les éléments positifs des listes de diffusions : « Les listes de diffusion sont très importantes, car elles permettent des échanges rapides d'informations et de pratiques pédagogiques. Elles participent de façon très efficace à la mise en place des nouveaux programmes. » Un autre utilise les listes de diffusion pour « se rassurer ». Comme il le note, il utilise les listes pour : « se tenir au courant des programmes et de la façon de les exécuter, échanger avec les collègues et se "rassurer". Site Internet indiqué par les collègues qui montre de nouvelles expériences ou des logiciels plus performants, réponses à des questionnements sur des parties de programme un peu floues. »

 

Selon les professeurs interviewés, grâce aux TICE, les élèves sont désormais en mesure d'illustrer les conclusions provenant les TICE qui offrent une multitude de possibilités de faire preuve de compétences et de connaissances aux élèves et aux enseignants. Un enseignant interviewé ajoute : « Le principal avantage est, en théorie, de faciliter la compréhension des phénomènes en jeu en Sciences Physiques. Au niveau des bénéfices, j'y vois : un véritable intérêt pour les TICE de la part des élèves ; la possibilité de réaliser des expériences ou des simulations qui sont hors de portée d'un labo traditionnel ; un autre moyen pour les élèves de mieux comprendre les phénomènes en jeu.

 

En ce qui concerne les difficultés de l'utilisation des TICE en sciences physiques, le même professeur mentionne: « il faut souvent adapter l'utilisation des TICE au public rencontré, et ce parfois pour un même niveau (les élèves de seconde d'une année sur l'autre ne sont pas tous identiques, loin de là !) ; peu d'élèves arrivent (même en section scientifique) à tirer véritablement parti de l'utilisation des TICE pour comprendre l'aspect Physique ou Chimique de l'expérience en cours, soit parce que le phénomène en jeu est complexe, soit parce qu'ils n'ont toujours pas assimilé la différence entre ordinateurs et jeux vidéo, et ne prêtent alors que peu d'attention au véritable travail à réaliser (observer, interpréter, conclure) ; la simulation peut se révéler catastrophique lorsqu'elle induit nombre d'élèves à penser que tous les problèmes peuvent être résolus à l'aide d'une simulation ou bien que les expériences réelles ne marchent pas à cause des instruments de mesure ou de l'expérimentateur (la simulation étant toujours « exacte ») ; un faux sentiment d'autonomie pour certains élèves qui n'arrivent parfois plus à décoller les yeux de l'écran pour prendre les inévitables mais toujours indispensables notes de TP/cour [...] »

 

Il est intéressant d'examiner les positions des professeurs interviewés concernant l'introduction des TPE dans la pratique de classe au lycée. Pour la plupart d'entre eux, il s'agit d'un événement très positif : « Oui, elles permettent une véritable implication des élèves. Tout ceci est difficile à gérer et nécessite d'apprendre à travailler différemment avec les élèves, de devenir une personne ressource, sans résoudre les problèmes à la place des élèves. » Un autre interviewé mentionne, à propos des TICE et des TPE : « Les TPE sont là pour tenter de former les élèves au travail en autonomie. C'est là à mon sens leur seul intérêt. Les productions sont généralement très décevantes. Les TICE permettent de présenter les documents d'une nouvelle façon, plus conviviale et qui plaît aux élèves. Difficulté : les élèves apprennent l'autonomie, mais sont loin d'être autonomes. Une recherche totalement autonome leur demande beaucoup de temps pour pas grand chose, il faut donc encadrer. »

 

Il y a également des professeurs qui ne partagent pas les mêmes opinions concernant l'utilité des TPE : ainsi, par exemple, le professeur suivant : « J'ai du mal à envisager la poursuite des TPE [...]. Je n'ai jamais été très enthousiaste à leur sujet. Par contre, l'utilisation des listes de diffusion va se développer ; mes collègues stockent les données que je leur transfère en attendant d'avoir le temps de les analyser. Il y aura peut-être ainsi une homogénéisation de l'enseignement en le tirant vers le "haut" et surtout un but commun. »

 

En général, les enseignants de sciences physiques mentionnent, parmi les aspects positifs des TPE, l'amélioration et le renouvellement des relations entre les professeurs et leurs élèves, ainsi que le développement de l'autonomie de ces derniers. La collaboration entre les professeurs et entre professeurs et élèves semble d'avoir changé après l'introduction des TPE et l'utilisation des TICE en classe : « Avec les TPE et les TICE, j'ai appris à travailler en équipe avec mes collègues physiciens ou autres. Les nouvelles difficultés sont dues au matériel nouveau qu'il faut apprendre à utiliser (ce qui n'est pas toujours évident !!!) »

 

5. Conclusions

 

Les enseignants présentent l'utilisation des TICE et des listes de diffusion comme des éléments qui sont apparus tout naturellement dans leur pratique quotidienne. Pour eux, les listes de diffusion éducatives sont utiles pour la création de nouvelles idées de recherches, pour le transfert d'information et pour la communication avec d'autres chercheurs par le biais de ces communautés virtuelles. Parmi les enseignants interviewés, nombreux sont ceux qui conservent les messages intéressants de ces deux listes, notent les pratiques et les idées des autres collègues et essaient de les appliquer dans leurs classes de physique et dans les TPE.

 

En général, de nouveaux types d'enseignement se créent et le rôle de l'enseignant semble changer après l'introduction des TPE et l'utilisation des TICE en classe. Le professeur de sciences physiques tend à devenir une sorte de consultant. Il cesse d'être l'unique source de connaissance, il a souvent l'impression d'être moins « présent » dans la classe et plus généralement, il semble acquérir un rôle d'« animateur » ou de « mentor ». Il s'agit d'une autre approche, d'une autre façon de penser de dialoguer et de travailler qui constituent un enrichissement pour tous les enseignants.

 

6. Bibliographie

 

Agostinelli, S. 1996. Multimédia et transmission des connaissances. Education permanente, 2, 127, 49-60.

Beaudouin, V. et Velkosvska, J., 1999. Construction d'un espace de communication sur Internet. Réseaux, 17, 97, 121-177.

Breton, P., 2000. La culte de l'Internet. Paris : La Découverte.

Castels, M., 2003. La société en réseaux. (trad. Delamare, P.) Paris : Fayard.

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