Claude Poissenot

IUT  Nancy-Charlemagne

Département Information-Communication Option « Métiers du livre »

 Université Nancy2

CERLIS - Paris5

 

Nancy, mai 2001

 

 

PROGRAMME POUR L'ETUDE DES DETERMINANTS INTERNES DE LA FREQUENTATION DES BIBLIOTHEQUES

 

Résumé : Comment rendre compte de la fréquentation ou non des bibliothèques publiques ? L'analyse couramment usitée et valide consiste à interpréter la fréquentation ou non par des caractéristiques sociales ou des comportements de lecture. Sans remettre en cause l'intérêt de ce type d'approche, notre communication propose d'analyser la question en partant de l'offre même des bibliothèques. Les choix effectués dans l'offre qui est proposée sélectionne le public qui vient ou non à la bibliothèque. Après avoir présenté le projet, nous procédons à une décomposition de l'offre des bibliothèques en dimension (implantation, architecture, fonds, etc.) pour lesquelles on examine quelques uns des effets sur le public.

 

 

 

Dans la brève histoire de la sociologie française des bibliothèques, une place importante a été réservée à l'étude des déterminants sociaux de la fréquentation de ces équipements culturels. C'est le cas de l'enquête de 1979 sur l' « Expérience et l'image des bibliothèques municipales » (et sa nouvelle version de 1997[1]), des écrits de J.-C. Passeron, de l'enquête sur les Pratiques culturelles des Français et d'autres encore. Ces travaux présentent l'immense mérite de donner une vision macroscopique des publics des bibliothèques et de montrer l'effet des grandes variables (catégorie socioprofessionnelle, diplôme, sexe) sur la fréquentation de ces lieux. Ils ont permis de penser le public non plus dans sa généralité mais dans sa multiplicité à travers la notion de « publics ».

Comment rendre compte de ces variations sociales dans la fréquentation des bibliothèques ? Jusqu'ici, les interprétations ont insisté sur les inégalités culturelles, les proximités entre l'univers de l'école et des bibliothèques. Ces explications - que nous ne remettons pas en cause - ont sans doute contribué à nourrir une forme de fatalisme au sein de la profession des bibliothécaires : les bibliothèques ne font qu'enregistrer des inégalités sociales qui leur préexistent. D'ailleurs, si les elles accueillent plus de diplômés, cela est sans doute lié au fait que ces catégories sont aussi davantage lectrices.

Notre proposition de communication part du constat que nous venons d'établir[2] selon lequel les bibliothèques reçoivent davantage de diplômés, à niveau égal d'investissement dans la lecture. Par exemple : parmi les lecteurs intensifs (20 livres et plus par an), les titulaires d'un diplôme post-bac sont plus souvent inscrits à une bibliothèque ou médiathèque que ceux qui n'ont pas de diplôme ou possèdent le Certificat d'Etudes Primaires (55% contre 34%). Il existe donc bien une sélection du public par les bibliothèques indépendamment même de l'intensité de l'engagement dans la lecture.

 Dès lors on peut porter un regard renouvelé sur cette institution et s'interroger sur les modalités par lesquelles elle construit son public. Nous formulons en effet l'hypothèse que les bibliothèques parviennent à capter et exclure certaines catégories de populations par les modalités concrètes de leur offre. C'est ce à quoi J.-C. Passeron invitait dès 1981 :

 « Par son aménagement, par le symbolisme de son mobilier, par les gens que l'on y croise, par ceux que l'on y reconnaît, par toutes les relations sociales qu'il encourage ou qu'il dissuade, l'espace de la bibliothèque met différentiellement à l'aise ou en malaise (voire dans un état de crise) diverses catégories sociales. Par conséquent, il incite différemment à la venue et au passage à l'acte[3] ».

 Nous avons déjà partiellement engagé cette réflexion avec l'idée d'un « effet bibliothèque[4] » à l'oeuvre dans la construction du public de cet équipement. Elle rejoint les analyses développées par le marketing des bibliothèques[5]. Elle prend également place à la suite du travail de G. D'Elia & S. Walsh tout en s'en démarquant. Alors qu'ils mettent à jour la relative neutralité de la bibliothèque dans l'usage et l'évaluation dont elle peut faire l'objet[6], nous souhaitons montrer que des différences peuvent s'observer dans leurs inégales capacités à capter les publics. Autrement dit, nous souhaitons nous concentrer davantage sur les effets de l'offre sur la différence entre usagers et non usagers plutôt que sur la différence parmi les usagers. Ce faisant, nous souhaitons contribuer à une évaluation des bibliothèques en mettant à jour les impacts plus ou moins prévus des choix faits dans le service proposé sur la sélection du public du lieu. Nous pouvons ainsi mettre à l'épreuve l'objectif selon lequel la bibliothèque s'adresse effectivement à tous les citoyens[7].

Cette hypothèse présente le grand avantage d'impliquer les bibliothécaires dans la compréhension de la nature de leur public. Ils sont à l'origine de micro-décisions qui structurent l'offre et construisent ainsi le public du lieu dont ils ont la charge. Notre programme d'étude consiste à inventorier toutes les dimensions qui composent l'offre des bibliothèques (de l'implantation à l'architecture, du fonds au classement, de l'identité sexuelle des bibliothécaires aux modalités de l'accueil, etc..) et à établir quels sont les effets de chacun des éléments sur chacun des publics réels ou potentiels.

 

Notre communication sera consacrée à l'exposé de notre vaste projet d'études mais aussi à la présentation de certains résultats destinés à en conforter l'intérêt.

 

Le bien fondé de la notion d' « offre »

Notre projet consiste à étudier comment les bibliothèques sélectionnent leurs publics. En d'autres termes nous souhaitons montrer comment leur « offre » crée leur propre « demande ». L'utilisation de ces notions suggère l'adoption d'une « vision économique de la culture[8] » à l'égard de laquelle il convient de prendre position.

§         Notre réflexion s'inscrit dans le cadre d'une « tradition sociologique » revendiquant le droit à penser la « culture » en tant que phénomène social. L'art est susceptible d'un examen sociologique, il n'est pas le résultat magique de la création d'un auteur. Penser une bibliothèque comme une « offre culturelle » doit être possible sans être accusé de crime de lèse-majesté.

§         L'analyse des bibliothèques à travers les notions d' « offre » et de « demande » ne prétend pas rendre compte de la totalité de cette réalité. Nous ne confondons pas le point de vue porté sur l'objet et la multiplicité des facettes qui le compose. Il est, par exemple, légitime de s'interroger sur la question de savoir quelle culture (c'est-à-dire quelle production de l'esprit) est transmise par une institution de ce type ce dont nous ne traiterons pas ici.

§         Le recours à la notion d' « offre » peut se justifier par la réalité qu'il s'agit de cerner. Les citoyens d'une commune se rendent ou non dans la bibliothèque qui leur est « offerte ». Nous souhaitons penser la fréquentation d'un service public proposé à la population, ce que nous résumons sous la notion d' « offre ».

 

Les dimensions de l'offre

Analyser en quoi la bibliothèque peut sélectionner son public suppose un travail préalable de mise à plat des dimensions qui définissent chaque équipement. Les bibliothèques diffèrent et se ressemblent par certaines de leurs caractéristiques. Il convient de repérer les dimensions de l'offre en répondant à la question : qu'est-ce qui est offert aux publics des bibliothèques ?

 

·        L'implantation géographique

 

Avant même d'être un bâtiment, la bibliothèque se définit par son implantation dans l'espace urbain. La bibliothèque prend place dans un quartier, une rue qui contribuent à lui donner son identité. L'implantation géographique dote la bibliothèque de caractéristiques qu'il convient de distinguer :

-         L'accessibilité. La position de la bibliothèque dans la ville détermine son accessibilité. La proximité d'axes routier, l'offre de places de parking favoriseront les visiteurs qui se déplacent en voiture. Un autre contexte routier peut faciliter la venue de cyclistes. L'implantation de la bibliothèque à proximité de lignes de transports en commun permettra de capter un public usager de ce mode de transport.P.Franqueville[9] démontre l'effet important de la position de la bibliothèque sur la « chaîne de transports » sur sa fréquentation. De même, il est probable que l'implantation d'un équipement dans une zone de forte circulation piétonne favorise sa fréquentation.

-         La signalisation. L'offre d'une bibliothèque s'étend jusqu'à la place qu'elle occupe dans la ville à travers les indications de direction ou les plans qui la représentent. La signalisation comporte donc une dimension informative d'aide au repérage du lieu dans la ville mais aussi une dimension symbolique d'importance accordée par la ville à ce lieu.

-         L'environnement immédiat. Si l'implantation d'une bibliothèque paraît importante c'est que le lieu où elle est implantée façonne à la fois les visites dont elle fera l'objet mais également l'image que les citoyens se feront d'elle.

La proximité d'espaces commerciaux, de lieux publics peut générer des visites en ce qu'une partie des visiteurs combine la venue à la bibliothèque avec une autre activité. A Vandoeuvre-Lès-Nancy, la bibliothèque ainsi que la médiathèque qui lui a succédé est implantée à proximité d'un centre commercial. Un usager interrogé dans une autre bibliothèque de l'agglomération où il mène le même type d'activité de lecture de presse justifie son inscription dans celle-ci de la manière suivante : « ben on fait les courses à proximité de la médiathèque de Vandoeuvre.. ici [dans l'autre médiathèque], y'a pas trop de commerces dans le coin.. hein, on peut concilier la sortie achat et puis la médiathèque ». Il apparaît clairement que la proximité d'un centre commercial a une incidence sur la fréquentation de cet équipement. Dans l'enquête réalisée auprès de la nouvelle médiathèque de Vandoeuvre, 29% des personnes interrogées déclarent ne pas venir seulement pour la médiathèque ce qui suggère que ces « visites combinées » représentent un poids non marginal dans l'ensemble des visites. Ce type de visite s'observe davantage chez les actifs (36%) que chez les collégiens ou lycéens (16%) ce qui suggère bien l'idée que la combinaison majeure est celle qui consiste à effectuer les courses du ménage. On observe ainsi un résultat un peu supérieur à celui constaté par E. S. Palmer pour laquelle « moins de 10% des usagers combinent visite à la bibliothèque et courses[10] ».

L'environnement immédiat détermine la combinaison des comportements possibles et contraint ou non à un déplacement uniquement consacré à la venue à la bibliothèque. Au-delà des comportements, il façonne aussi l'image de cet équipement. On touche ici à une autre composante de l'implantation géographique : la fonction du quartier dans lequel la bibliothèque est implantée.

-         La fonction du quartier. La bibliothèque s'inscrit dans un univers dont elle dépend et qu'elle continue à produire. Un espace urbain tient son image des fonctions qu'il remplit. Un centre commercial de périphérie n'est pas perçu de la même façon qu'un quartier où sont rassemblées les institutions politiques (Préfecture, Mairie, Conseil Régional, Conseil Général, etc.) ou culturelles (Conservatoire Régional de musique, Théâtre, Opéra, Musée, etc.). L'implantation d'une bibliothèque dans des zones commerciales, politiques ou culturelles peut se traduire par un effet de captation de certains publics et de rejets d'autres qui se sentent étrangers à cet espace et qui n'ont pas l'occasion de le fréquenter.

-         L'image du quartier. Si l'espace urbain tient son image des fonctions qu'il remplit, il la doit également de la population qui y réside ou y travaille. Un quartier marqué par la proportion importante d'étudiants et de professions libérales ne sera pas perçu de la même façon qu'un quartier principalement peuplé d'ouvriers et d'employés. L'écologie urbaine[11] a bien montré comment les groupes sociaux investissaient la ville de façon concurrente avec des phénomènes de ségrégation.

La fréquentation des bibliothèques dépend de cette sociologie de son quartier d'implantation. Le cas de Blois illustre bien cette situation. La bibliothèque centrale de la ville (Bibliothèque Maurice Genevoix) a pendant une quinzaine d'année été implanté dans un quartier populaire. Cette position périphérique faisait venir des autres quartiers (et notamment du centre ville) des populations d'une autre appartenance sociale. Le quartier était valorisé par sa bibliothèque qui contribuait à son désenclavement social. L'ouverture d'un nouvel établissement central et moderne (la Bibliothèque de l'Abbé Grégoire) dans le centre ville a bouleversé la situation. La bibliothèque centrale de la ville a quitté le quartier périphérique ce qui a mis un terme aux échanges de population. La Bibliothèque Maurice Genevoix est devenue une bibliothèque de quartier, vieillie et implantée dans un quartier qui devient un ghetto. A travers cet exemple, on mesure à quel  point la sociologie et l'histoire du quartier d'implantation d'une bibliothèque se révèle décisif dans l'image de cet équipement culturel et plus loin dans la fréquentation dont il peut faire l'objet ou non.

La bibliothèque s'enracine dans un lieu caractérisé par son accessibilité, son environnement immédiat et sa population. Ces éléments déterminent sa (non) fréquentation par certaines catégories de publics. La multiplication d'enquêtes pourrait permettre de mieux comprendre comment s'articulent les caractéristiques de l'implantation et les caractéristiques des (non) publics.

 

·        l'architecture extérieure

 

Avant d'offrir des services, la bibliothèque est un lieu repérable par son architecture. Tous les citoyens, y compris ceux qui ne fréquentent pas la bibliothèque, ont accès à l'apparence de l'établissement susceptible de les desservir. La perception du bâtiment combine une appréciation de son volume (étroit, monumental) et de sa forme. De ce fait, on peut analyser l'architecture d'une bibliothèque comme un « discours sur la lecture ». En effet, la taille et l'aspect du bâtiment résulte d'un long processus qui implique une multitude d'autorités : Conseil municipal, Communauté de communes, Conseil Général, Conseil Régional, Direction du Livre et de la Lecture du ministère de la culture. Toutes ces instances, dont la plupart tiennent leur légitimité du scrutin populaire, apportent leur caution au bâtiment au nom de la promotion de « la lecture ». Une médiathèque imposante à l'architecture résolument moderne indique l'importance accordée à la lecture : « cette pratique justifie bien un tel bâtiment ! ». Souvent implanté en centre ville, cet équipement apparaît comme un établissement culturel de prestige. Il est souvent construit en matériau noble (verre, marbre, etc.) et son aspect manifeste le souci de créer un bâtiment aux qualités esthétiques reconnues par ceux en position de les reconnaître. On peut dès lors s'interroger sur l'adéquation de ce type d'architecture avec un discours de démocratisation de la lecture. Comment la lecture peut-elle être pour tous dans un lieu marqué par son caractère prestigieux ?

Il faudrait pouvoir disposer d'enquêtes sur la perception par les citoyens de l'architecture des médiathèques construites au cours des dix dernières années. Deux indications semblent aller dans le sens de la mise en question de la cohérence de ce type d'architecture avec la démocratisation de la lecture :

-         F. Rouet montre que « les ouvriers, employés et personnes sans qualification sont proportionnellement moins nombreux que les autres catégories socioprofessionnelles à se sentir à l'aise dans la médiathèque[12] ». Cette tendance doit être d'autant plus relevée qu'elle est obtenue sur la base de la population qui se rend dans ce lieu. Or on sait que ce « prélèvement institutionnel[13] » se traduit par une population qui ne ressemble pas à la population de référence. Autrement dit, par exemple, les ouvriers interrogés à l'entrée d'une bibliothèque sont atypiques par rapport à la population globale des ouvriers.

F. Rouet montre bien comment un « bâtiment résolument contemporain[14] » se traduit par une proportion plus grande d'usagers se déclarant « impressionnés » par l'architecture que des « sites à l'architecture plus banale ».

-         Notre enquête à Vandoeuvre-Lès-Nancy permet de comparer la population de l'ancienne bibliothèque  celle de la nouvelle médiathèque. Le premier équipement prenait place dans d'anciennes cellules commerciales à proximité de commerces (pharmacie, café, etc.) au coeur d'un quartier composé de tours et de nombre de logements sociaux. La médiathèque est désormais un vaste bâtiment construit à moins de 500 mètres au bord d'un boulevard urbain important. Le protocole d'enquête a été reproduit à l'identique entre les deux enquêtes de façon à éviter des biais. Le nombre d'ouvriers et la proportion d'employés et ouvriers parmi les visiteurs sont restés parfaitement stables. Cela signifie que le passage à la médiathèque ne s'est traduit par aucun progrès dans la représentation des classes populaires au sein de cet équipement culturel. Le changement de bâtiment n'a donc eu aucun effet de démocratisation.

Ces exemples ont pour mérite de confirmer l'existence d'un lien entre le « geste architectural » et la sélection du public qui fréquente le lieu ainsi dessiné. Il reste à dessiner les contours précis des relations entre les formes architecturales et les catégories de populations.

 

 

·        l'aménagement de l'espace intérieur

 

En tant que bâtiment, une bibliothèque organise les conditions de la rencontre entre les usagers, entre ceux-ci et le personnel mais aussi la relation des usagers à la collection. Cela passe par la division de l'espace en salles spécialisées, l'aménagement de rayonnages, de tables, de fauteuils, de bornes de renseignement, etc. et par un choix de décoration. 

L'organisation de l'espace intérieur de la bibliothèque ne saurait se limiter à la dimension technique ou esthétique. Elle engage une certaine vision des usages et des usagers. Si ces derniers s'approprient de manière variée l'espace qui leur est proposé[15], l'aménagement intérieur intervient pour une part dans la différenciation entre public et non public. Toutes les catégories potentielles de publics ne trouvent pas nécessairement un espace et/ou un aménagement correspondant à leurs attentes ou leurs besoins.

On peut illustrer l'importance des choix faits dans l'aménagement intérieur par la question de l'accueil des adolescents. On sait que la fréquentation des bibliothèques diminue au moment de l'adolescence. Cela s'explique par une baisse de la lecture à cet âge de la vie[16] et l'accent mis sur d'autres priorités et notamment la sociabilité amicale. Néanmoins, on peut se demander dans quel mesure le fait de ne pas proposer d'espace qui leur soit destiné facilite le désengagement des jeunes de la bibliothèque. Il faudrait pouvoir comparer la capacité des bibliothèques à capter la population adolescente (par exemple les 13-18 ans) selon l'espace qui leur est ou non réservé. De même on peut s'interroger sur le rôle de la décoration dans la fréquentation ou non des sections jeunesse par le public adolescent. Si avec E. Goffman on fait l'hypothèse que « le moi [...] est un effet dramatique d'un spectacle que l'on propose[17] », il convient de tenir compte du cadre et donc de la décoration de la scène sur laquelle se déroule l'interaction. Dès lors on peut comprendre comment le caractère enfantin de la décoration mais également du mobilier de la section jeunesse peut détourner une partie du public adolescent en quête de validation de son identité adolescente. La fréquentation de cet espace ne leur permet pas d'être reconnus comme ils le souhaiteraient sauf à manifester par leur comportement turbulent la distance qui les sépare de l'identité que le décor leur propose. Ainsi par exemple, une bande de jeunes affirme qu'ils « viennent squatter des chaises... c'est plus confortable et il fait chaud ici[18] ».

Les choix de distribution et de mise en forme de l'espace de la bibliothèque ne sont pas exempts d'enjeux cachés. Les décisions prises seront éprouvées par une population très variable dans ses attentes et ses goûts. C'est dire qu'elles ont de grandes chances de ne pas satisfaire certaines fractions du public potentiel. Que ce soit pour l'architecture extérieure ou pour l'aménagement intérieur, nous ne croyons pas à la « théorie des universaux[19] » selon laquelle les réactions aux productions artistiques « transcendent les particularismes culturels ». Dès lors, l'appréciation positive du lieu a d'autant plus de chances d'apparaître que les usagers partagent les mêmes particularismes que ceux qui ont effectués ou partagent les choix faits.

 

·        les supports proposés

 

Les bibliothèques et médiathèques justifient leur existence par leur offre d'information (au sens très large du terme) aux usagers. Pendant longtemps, les documents sur support papier ont été les seuls proposés par les bibliothèques. Depuis une vingtaine d'année, les magnétoscopes, lecteurs de disques audio et ordinateurs entrent en masse dans ces équipements.

L'introduction de supports différents du papier dans l'offre des bibliothèques est conçu comme de nature à les rendre plus attractives. Et en effet, l'ouverture de médiathèque s'accompagne d'un accroissement du public. Il reste qu'il conviendrait de démontrer à l'aide d'études précises quels sont les supports les plus attractifs et quels sont les publics attirés.

On sait par exemple que l'introduction d'un service d'accès à Internet crée les conditions d'une meilleur représentation de la population masculine à la bibliothèque[20]. On sait également que l'offre d'une discothèque est appropriée davantage par les hommes que les femmes[21]. A Vandoeuvre, le passage de la bibliothèque à la médiathèque s'est accompagné d'une proportion grandissante d'hommes (46% contre 40%) ce qui laisse entendre que l'offre d'autres supports que le livre facilite la venue de cette catégorie de population.

Du point de vue de la position sociale des usagers, l'introduction de nouveaux supports et notamment de l'audio-visuel est conçu comme un moyen de recruter un public davantage populaire. Aucune étude, à notre connaissance, ne vient étayer de façon certaine cette présomption. Au contraire, des enquêtes[22] repoussent cette idée en montrant que ce sont les classes moyennes et supérieures qui s'emparent en premier lieu de ces outils.

La diversité des supports offerts par les bibliothèques peut engendrer une sélection du public selon son âge. L'analyse des goûts musicaux selon l'âge invite à cette hypothèse. O. Donnat montre en effet une tendance à la fidélité de chaque génération aux genres musicaux en vogue au moment de sa « jeunesse ». C'est dire qu'une génération se définit par ses goûts musicaux. Dès lors, on peut aussi suggérer que cela est vrai pour d'autres productions culturelles (on pense à la télévision) mais aussi aux supports et outils de communication. Le fait de naître dans un univers peuplé d'ordinateurs familiarise avec l'objet tandis que l'apparition de cet instrument à l'âge de 50 ans ou plus engage un rapport sans doute plus distant avec cet outil. Des enquêtes sont à mener sur ce thème mais il semble déjà apparaître certains signes. Par exemple, dans la médiathèque de Poitiers, « la fréquentation des 15-20 ans a considérablement augmenté ; en revanche la fréquentation des plus de 60 ans connaît une progression beaucoup moins importante alors que cette tranche d'âge est plus importante en nombre dans la population[23] ». A, Nancy la répartition des inscrits selon leur âge et le type de leur abonnement fournit une piste d'interprétation à la sous-représentation des classes d'âges les plus anciennes : si l'abonnement livres + disques est choisi par plus de 60% des 14-54 ans, la proportion tombe à 32% chez les 55 ans et plus. C'est dire que l'ouverture des bibliothèques aux autres supports n'attire pas les citoyens les plus âgés. Peut-être même les fait-elle plutôt fuir ? A Vandoeuvre, si 15% des usagers de la nouvelle médiathèque qui fréquentaient la bibliothèque ont 55 ans ou plus, c'est seulement le cas de 9% des nouveaux usagers (c'est-à-dire qu'ils ne fréquentaient pas la bibliothèque avant la médiathèque). Ainsi s'accumulent les indices selon lesquelles l'offre de supports autre que le livre se traduit par une difficulté accru à capter la population âgée. On peut s'interroger sur les raisons qui expliquent que cette faible présence du public âgé ne s'accompagne pas davantage de discours de préoccupation.

 

·        le fonds

 

Si le support fait partie des éléments qui forment l'offre d'une bibliothèque, le fonds (c'est-à-dire le choix fait parmi la production éditoriale existante par le personnel en position de le faire) apparaît comme un constituant qui singularise chaque établissement. Avant d'examiner l'incidence de la nature du fonds, il faut prendre en compte la taille du fonds sur la fréquentation des bibliothèques. La relation entre les deux est-elle linéaire ? Plus la collection est vaste, plus la population est attirée par la bibliothèque. Existe-t-il des effets de seuil voire une relation décroissante ?

Le fonds formé par l'accumulation de chaque référence constitue une réalité qui dépasse la somme de chaque acquisition. Si les usagers perçoivent le fonds dans les éléments qui le composent, la population le perçoit davantage comme un tout parfois impressionnant. Pour pénétrer dans une bibliothèque au très large fonds, il faut une familiarité avec les livres et leur classement qui permettra de dominer cette offre abondante. Certaines bibliothèques souffrent ainsi peut-être d'un fonds trop large ! Ainsi, sur 100 non-usagers des bibliothèques municipales, 13 déclarent ne pas venir car « il y a trop de livres, je ne sais pas comment choisir[24] ». Cette proportion non négligeable est plus importante qu'en 1979 où 8% déclaraient la même chose. Elle est en tous les cas plus de deux fois plus importante que la proportion de ceux qui affirme que « l'inscription coûte trop cher » (13% contre 5%). Une enquête déjà ancienne confirme cette idée : elle montre que la relation entre la taille de la collection et sa circulation « n'est pas linéaire » et que la circulation connaît « une corrélation positive avec la taille de la collection jusqu'à un pic de 100 à 125 000 volumes, après quoi la corrélation apparaît négative[25] ».

Ces deux indications suggèrent de pousser plus loin la connaissance des relations entre la taille de la collection et la fréquentation de la bibliothèque. Celles-ci devraient être contextualisées selon la taille de la commune et d'autres critères de manière à mieux cerner leur articulation.

 

 L'interrogation sur la nature du fonds des bibliothèques est sans doute la plus débattue à l'intérieur de la profession parmi les dimensions qui composent l'offre de ce type d'équipement. B. Calenge[26] a récemment dressé un état des lieux des enjeux de la question auquel nous renvoyons le lecteur.

Notre approche consiste à rechercher dans quelle mesure le fonds proposé sélectionne le public de la bibliothèque. Qu'il s'agisse de livres, de disques ou de vidéos, la bibliothèque opère des choix dont elle peut ou non justifier par des critères plus ou moins explicites. Nous formulons l'hypothèse suivant laquelle la mise à l'écart d'une partie de la production (par l'absence d'achat ou par l'achat suivi d'une « mise en arrière » de ce fonds) crée les conditions de la mise à l'écart d'une partie de la population. Les oeuvres ne tirent pas d'elles-mêmes la capacité à attirer tous les publics vers elles. Cela signifie que, dans l'hypothèse même où l'objectif de la bibliothèque serait « de permettre et de suggérer au public de tirer pleinement parti de la richesse intellectuelle ou artistique de l'auteur dont il entreprend la lecture[27] », il n'existe pas de contradiction avec la proposition d'une « production commerciale ». En effet, pour que le public puisse bénéficier de la qualité de la collection et de la médiation, il faut d'abord qu'il pousse les portes de la bibliothèque. Il n'est pas possible de raisonner sur le public potentiel en partant du public réel. Le dernier a, par sa fréquentation, reconnu et adopté la proposition de la bibliothèque alors que le premier reste à conquérir. En France, depuis quelques années, la stagnation du taux d'inscrits sur la population desservie autour de 20% peut être interprétée « comme si les bibliothèques avaient fait le plein des usagers prêts à les fréquenter[28] » sous réserve de préciser que c'est le résultat d'une offre donnée plus qu'un seuil infranchissable. Un changement dans le fonds des bibliothèques pourrait sans doute modifier la situation : 60% des non-usagers en général (et 71% de ceux de 15 à 24 ans) auraient envie de fréquenter une bibliothèque municipale s'ils y trouvaient tous les genres de livres qu'ils aiment[29]. Cette condition est la plus citée ce qui suggère que la question du fonds est cruciale dans la non fréquentation. Afin de compléter cette analyse globale, il faudrait pouvoir montrer comment la politique d'acquisition agit localement sur la capacité des bibliothèques à franchir ce seuil. A Roubaix par exemple, la mise en oeuvre notamment d'une « politique d'acquisition sans exclusion, sans mal traiter la `sous-littérature'[30] » a permis de capter une partie très importante de la population. Et si « aucune bibliothèque ne rivalisera en efficacité avec les techniques de vente de la littérature de gare et de supermarché[31] », l'offre de ce type de littérature permettrait peut-être de rendre possible un élargissement du public. La coexistence de formes de productions éditoriales inégalement reconnues ne semble pas impossible puisqu'elle apparaît très fréquente dans les bibliothèques publiques anglo-saxonnes. Aucun supermarché ne rivalisera avec les bibliothèques pour l'offre d'informations triées et ordonnées. L'antagonisme entre marché et offre publique ne permet pas de penser une continuité entre ces deux offres.

Ce qui est vrai pour les autres dimensions de l'offre des bibliothèques l'est sans doute encore davantage pour le fonds : la politique d'acquisition dépend du public que l'on souhaite accueillir et de l'objectif vers lequel on veut le conduire. Si on considère que « à de très rares exceptions près, la lecture de petites annonces, de rubriques nécrologique, de magazines ou de dépliants est suffisamment répandue pour qu'il ne soit pas nécessaire de l'encourager[32] » alors il est possible de se dispenser d'un nombre important de périodiques mais la bibliothèque ne peut plus être considérée comme un outil central d'un dispositif de familiarisation avec l'écrit. Si, en revanche, on considère avec J.-C. Passeron qu' « avant d'inciter à la lecture cultivée, il faut d'abord inciter à lire », alors « [...] il faut savoir renoncer aux jugements de valeur tout faits : « il n'y a pas de petits profits » en matière de familiarisation avec la chose écrite. Quelle que soit la chose lue, quelles que soient les conditions de la lecture, quel que soit le type de lecture, tout est bon qui permet aux gens qui lisent le moins de lire un peu plus[33] ».

 La relation entre fonds et public de la bibliothèque reste à préciser. C'est vrai de la collection de livres mais on peut également élargir la recherche sur la question des politiques d'acquisition des discothèques ou vidéothèques. Un fonds vidéo composé principalement des grands films du cinéma ne satisfera pas la totalité de la population des possesseurs des magnétoscopes. Notre réflexion invite à une vision dynamique des relations entre publics et fonds. L'offre et la demande ne sont pas deux réalités séparées de façon étanche. La demande découle de l'offre tout en contribuant à la façonner. La demande ne s'exprime pas seulement à travers les suggestions des lecteurs car il faut d'abord être usager et ensuite prendre le soin de suggérer des acquisitions. En y renonçant, les non usagers d'un fonds sont des usagers. Ne pas utiliser ce fonds c'est manifester des réserves à son égard. Comme l'a montré A.O. Hirshman[34], la « défection » fait partie des modalités d'expression de l'insatisfaction au même titre que la « prise de parole ». Les bibliothécaires tendent parfois à ne pas voir que la demande qui s'exprime à travers les suggestions des lecteurs n'est qu'une petite partie de la demande partagée par la masse de ceux qui ne l'expriment qu'avec leurs pieds.

 

·        le classement

 

La bibliothèque offre une collection mais également un ordre qui l'organise. Le caractère opaque pour l'usager du classement des bibliothèques a déjà été mis en évidence[35]. Nous suggérons qu'il intervient dans la sélection du public. L'utilisation optimale du fonds suppose la maîtrise des codes qui président au classement. Les non usagers savent implicitement que la bibliothèque est ordonnée de cette façon. Avant d'entrer à la bibliothèque, ils doivent, consciemment ou non, évaluer leur capacité à maîtriser l'abondance de l'offre proposée. Sans doute certains renoncent-ils à pousser les portes de cet équipement ne se sentant pas en mesure de se repérer dans la collection et de faire entrer leur demande relativement précise dans l'encyclopédisme et la diversité du fonds.

Malgré la non maîtrise de ces codes, certains pénètrent dans les lieux. Ils entreprennent alors l'accumulation d'un « capital de familiarité[36] » qui leur  permettra de se repérer dans la bibliothèque et sa collection. La signalétique devient alors particulièrement importante pour guider et orienter le public. Dès lors on peut faire l'hypothèse que la signalétique contribue à la sélection des usagers. Son absence favorise ceux dont la maîtrise de la « carte » rend moins indispensable celle du « territoire ». Ces usagers en possession des codes de l'organisation des collections peuvent la dominer avec facilité. « L'aisance et le naturel résultent d'une adéquation entre les schèmes opératoires incorporés et le cadre de socialisation[37] ».  . Les modalités de leur connaissance rencontrent un espace bâti sur les mêmes principes. Par exemple, l'accent mis sur la catégorie d'auteur dans le cadre scolaire (et par extension chez les élèves jugés les meilleurs) trouve une actualisation dans le classement des romans selon ce critère dans les bibliothèques. Cette situation d'adéquation, caractéristique de la détention d'un fort capital culturel assure la possibilité de l'utiliser dans d'autres bibliothèques. Ainsi, alors que la capital de familiarité reste surtout attaché à un lieu, le capital culturel offre l'avantage d'une plus grande transférabilité. A l'inverse, la présence d'une signalétique précise, claire et continue doit faciliter les usagers faiblement dotés en capital culturel. Des enquêtes pourraient tenter d'établir la relation entre le type de signalétique et la capacité des bibliothèques à accueillir des publics faiblement en possession des catégories intellectuelles de classement à l'oeuvre dans ce type d'équipement.

 

·        les animations

 

La bibliothèque offre des documents, elle offre aussi une image aux citoyens qui dépend pour une part de ce qui se passe dans ses murs. La manière dont elle manifeste son existence indique ses choix, ses goûts, ses préoccupations. Ceux-ci sont inégalement partagés par toutes les fractions de la population qui, en conséquence, se reconnaissent inégalement dans ce lieu et le fréquentent ou non. La politique d'animation apparaît comme une composante de la relation entre la bibliothèque et ses publics potentiels.

Un établissement qui multiplierait les expositions de jeunes plasticiens recevrait probablement un succès important auprès du public des étudiants de Beaux-Arts et d'une fraction des classes cultivées de la cité. A l'inverse, une bibliothèque d'une commune rurale du département de l'Aisne a mis en place une animation autour du football qui comportait à la fois une exposition et des rencontres avec des joueurs de clubs locaux. Cette opération a rencontré un succès certain et conduit une population inhabituelle qui n'avait jamais franchi les portes de cet équipement. Elle a permis de rompre avec une relation que nous avons établie[38] comme négativement corrélée entre l'investissement dans le sport et la pérennité de l'inscription des jeunes à la bibliothèque.

 Ces deux exemples contrastés montrent que la définition et la réalisation d'une animation se traduit par un impact important sur le volume mais aussi la nature du public recruté. Il serait judicieux de classer les formes d'animation et d'évaluer leurs effets sur la sélection du public. Quel est le public des ateliers d'écriture ? Qui fréquente les expositions documentaires ? Les rencontres avec des auteurs touchent-elles le public le plus éloigné des codes littéraires ? Ce travail aurait le mérite de permettre d'anticiper sur les effets en termes de public des animations envisagées par les bibliothécaires. Il donnerait des outils pour rationaliser les politiques d'animation et de les intégrer dans les objectifs en termes de type de population à conquérir.

 

·        les modalités réglementaires

 

La visite à la bibliothèque s'effectue dans un cadre qui fixe des règles tant pour l'inscription, l'emprunt que pour le comportement dans les murs de l'établissement. En quoi cet environnement  réglementaire peut-il contribuer à la sélection du public ?

On peut par exemple distinguer les barrières à la fréquentation de celles à l'inscription. Autrement dit, pour s'inscrire à la bibliothèque il faut la fréquenter mais tous ceux qui la fréquentent ne s'y inscrivent pas. Quels sont les obstacles spécifiques à l'inscription[39] ? Pour certains usagers, s'inscrire revient à sortir de l'anonymat et à entrer dans une relation « contractuelle », « marchande » avec la bibliothèque alors qu'ils souhaitent au contraire le minimum de contraintes, d'institutionnalisation de leur fréquentation. Ainsi, certains redoutent de se sentir obligés d'emprunter dès lors qu'ils auront leur carte d'inscription.

Le service d'emprunt est encadré dans des règles qui distinguent les documents empruntables de ceux qui sont exclus du prêt, limitent le nombre de documents empruntables simultanément, fixent les délais de prêt et imposent le retour et en bon état des documents. L'emprunt suppose le respect de toutes ces règles. Certains usagers renoncent à l'emprunt (et parfois aux bibliothèques) car ils ont peur d'être contraints pas des délais ou parce qu'ils redoutent de n'être pas en mesure de rendre le livre ou seulement en mauvais état.

S'agissant du comportement au sein des murs de la bibliothèque, des règles plus ou moins explicites s'appliquent : silence, respect du personnel et des locaux, calme, etc. S'il faut parfois que les bibliothécaires fassent appliquer ces règles, elles sont le plus souvent connues et respectées. Les usagers sachant de façon certaine que leur visite s'accompagnera de « trouble à l'ordre public » du lieu renoncent finalement à leur visite de façon à éviter une situation de dissonance entre leurs comportements et les règles en vigueur. Par exemple, c'est le cas d'un jeune de 12 ans qui renonce aux visites avec ses copains à la bibliothèque de « peur des remontrances qui pourraient lui être faites[40] ».

Des règles différentes pourraient peut-être modifier la sélection du public. C'est en tous les cas ce que suggère l'expérience de la Queens Borough Public Library qui détient le niveau le plus élevé de circulation de documents dans tous les USA parce qu'elle a « mis de côté les livres et l'ancienne règle du silence est d'or[41] ». A Vandoeuvre, le passage de la bibliothèque à la médiathèque s'est traduit par une baisse de la part des collégiens et lycéens par rapport à l'ensemble du public : ils représentaient 21% du total à la bibliothèque et ne forment plus que 15% à la médiathèque. En volume y compris, leur nombre a diminué (116 contre 134 interrogés). Cette baisse nous semble partiellement attribuable à la mise en place d'un service de vigiles qui stationnent à l'entrée et circulent dans le bâtiment en faisant respecter la règle du silence. Le public scolaire vient plus souvent en groupe d'amis (39% contre 14% en moyenne) et génère plus facilement du bruit que les autres publics. Une partie du public scolaire a renoncé à venir à la médiathèque de peur de subir les réprimandes (justifiées ou non) des vigiles.

 

·        Le prix

 

En France, le débat sur l'éventualité du prêt payant a donné à la question de la tarification des services en bibliothèque une place importante. Incontestablement, le prix de l'inscription entre dans les dimensions de l'offre des bibliothèques. En quoi le tarif peut-il se traduire par la mise à l'écart de certains publics ? Soit le paiement constitue un obstacle économique à l'emprunt et donc à la fréquentation[42]. Soit il est perçu comme une frontière supplémentaire dressée contre la fréquentation des plus pauvres. Afin de répondre à cette question, il convient de tenir compte des enquêtes réalisées sur ce sujet.

Les tendances qui se dégagent ne convergent pas toutes. Ainsi, il semble que l'introduction d'une tarification en section jeunesse au Québec[43] soit associée à une baisse de l'activité des bibliothèques (mesurée en nombre de prêts par an et par habitant). De son côté, J.-L. Lerebours[44] affirme que le nombre d'inscrits a diminué de 21000 à 17000 (-19%) à la médiathèque de Nîmes quand l'inscription est devenue payante et qu'il est redevenu identique lors du retour à la gratuité. De leurs côtés, C. Egholm et H. Jochumsen[45] nuancent l'évidence d'une corrélation négative entre tarification et volume du public recruté. Ils notent que la diffusion de la tarification dans les bibliothèques des Pays-Bas n'a pas empêché une forte augmentation de la fréquentation au cours des 25 dernières années. A Vandoeuvre, le passage de la bibliothèque gratuite à la médiathèque n'a pas donné lieu à une diminution du nombre d'usagers. Une enquête en Israël semble également minimiser le rôle de la dimension financière dans la fréquentation des bibliothèques. L'enquête « Expérience et images des bibliothèques municipales » montre, en France, un résultat similaire puisque 5% des non-usagers mentionnent le coût trop élevé de l'inscription pour expliquer leur maintien hors des murs de la bibliothèque.

Face à ces tendances divergentes, il conviendrait de préciser la réflexion et les enquêtes. Au lieu de se demander si l'effet de la tarification a un effet négatif sur le volume du public accueil dans les bibliothèques, il faudrait s'interroger sur les effets de la tarification sur les différentes catégories de public. On peut ainsi supposer que la tarification touche en premier lieu les catégories de public fréquentante. Nous avons ainsi pu constaté que la sensibilité à l'inscription payante était particulièrement forte chez les étudiants et les populations moyennement diplômées[46]. Et nous rejoignons C. Egholm et H. Jochumsen quand ils affirment qu'on serait « tenté de se demander pourquoi si peu, dans le champ des bibliothèques qui est si prompt à protester contre le caractère socialement discriminatoire de l'introduction d'une tarification, ne se sentent pas eux-mêmes davantage concernés par les barrières déjà existantes à l'origine de l'inégale utilisation des bibliothèques[47] ». L'obstacle économique à la fréquentation des bibliothèques en cache un autre plus important qui concerne le caractère socialement marqué de la culture véhiculée par les bibliothèques.

 

·        le personnel

 

La bibliothèque rassemble des collections dans un espace, elle se caractérise également par le personnel qui prend en charge tant les documents, les animations que les usagers. Dans quelle mesure le personnel peut-il prendre part à la sélection des usagers ? Il s'agit d'abord de ne pas restreindre son influence aux seules situations d'interaction directe avec le public. Un bibliothécaire qui ne verrait jamais d'usagers procède à des choix qui engagent la manière dont les services de la bibliothèque seront mis en forme. Qu'il s'agisse du classement, des acquisitions, de l'organisation d'une animation, de la décoration, etc.,  le personnel effectue des choix qui décideront en partie du public que l'établissement recevra mais aussi de la frange de population qui restera hors de ses murs. Ses décisions résultent de systèmes de valeurs liées à l'origine sociale et scolaire du personnel mais également à l'appartenance à une profession. Il est hautement probable (mais cela reste à démontrer) que le caractère scolairement et donc socialement très sélectif de l'accès au métier, déjà repéré il y a presque 20 ans[48], ait des conséquences sur la manière dont se décline la lecture publique en France. Comment accepter aisément la juxtaposition de séries populaires et d'oeuvres majeures quand l'accès à la profession a nécessité un mépris pour les premières et une connaissance fine et passionnée des secondes ? Les bibliothécaires agissent aussi en fonction de leur appartenance à une profession c'est-à-dire en fonction de l'idée (partiellement controversée) que celle-ci se fait de ses missions et de son offre. Un niveau élevé d'attachement à la profession se traduira par des choix plus « conformistes ». C'est dire que certaines décisions ne sont pas intelligibles sans ce souci de manifester son appartenance à la profession. Par exemple : comment comprendre l'énergie dépensée par un documentaliste de lycée professionnel pour doter son Centre de Documentation et d'Information de l'Encyclopédie Universalis ?

Les bibliothécaires façonnent l'offre proposée par la bibliothèque par les choix qu'ils effectuent dans la présentation de la collection mais ils la produisent également par leur co-présence avec le public. Dès lors, tout ce qui relève de leur apparence physique est susceptible de donner lieu à une identification et une interprétation par tous les usagers ou une partie d'entre eux seulement (tenue vestimentaire, couleur de la peau, etc.). De même, le comportement physique (debout dans les rayons, assis au bureau, etc.), la gestuelle, les expressions de visage forment autant d'indices perçus et interprétés par les usagers afin de guider leur comportement. Ils peuvent ainsi estimer le degré de disponibilité, d'ouverture du (ou de la) bibliothécaire, ils peuvent également guetter des signes de reconnaissance ou de désapprobation à l'égard de comportements ou de choix de documents effectuer par eux-mêmes ou d'autres et ainsi identifier le système de valeurs que ces signes indiquent. Le comportement verbal du personnel complète le recueil d'informations des usagers. Le vocabulaire, la syntaxe mais également le ton utilisé pour parler leur offrent l'occasion de saisir l'univers linguistique de la bibliothèque à travers celui de ceux qui l'incarnent.

Apparence physique, comportement physique et verbal du personnel sont ainsi décryptés inconsciemment par les usagers[49]. Leur perception globale conduit à l'estimation d'une distance ou proximité avec l'univers de la bibliothèque. L'identification d'une distance peut se traduire par l'abandon de la fréquentation ou par un comportement réservé. A l'inverse, la perception d'une proximité doit favoriser l'aisance et la fréquentation.

Parler de l' « accueil » en bibliothèque revient à prendre en compte tous ces éléments et leur variabilité. Il semble que cette dimension de l'offre des bibliothèques forme un élément décisif de la fréquentation et surtout de la non fréquentation. Dans l'enquête « Expérience et image des bibliothèques municipales » de 1997, 11% des non usagers justifient leur situation par le fait qu'ils n'aiment pas « l'accueil ou l'ambiance qu'on y trouve ». Et quand on leur demande ce qui pourrait leur donner envie de fréquenter une bibliothèque, 37% (2ème réponse la plus citée) demandent « qu'on y soit bien accueilli et conseillé ».

Une enquête comparant l'accueil d'adolescents dans deux bibliothèques, dont l'une offre un personnel spécialisé dans l'accueil de ce public contrairement à l'autre, a montré que cette différence de personnel s'accompagne d'un sentiment de bienvenue plus fréquent chez ce public[50]. Ce type de travaux gagnerait à être multipliés afin d'améliorer la connaissance des effets du personnel sur le public malgré les problèmes méthodologiques voire déontologiques[51] qu'ils posent.

 

·        les autres usagers

 

La bibliothèque offre un espace, des services, une collection qui attire en ses murs une partie plus ou moins importante de la population et certaines catégories plutôt que d'autres. De ce fait, l'appropriation dont elle fait l'objet entre dans l'offre qu'elle propose. On peut par exemple se demander dans quelle mesure un établissement fréquenté n'attire pas à lui un surcroît de fréquentation. On peut également s'interroger sur les capacités de la bibliothèque à faire coexister des populations différentes. Ces questions tiennent leur légitimité du fait que le public de cet équipement culturel sur-représente certaines catégories de population au détriment d'autres tout en se déclarant « ouverte à tous les publics ». Les membres de certaines catégories de population peuvent se sentir « isolés », « pas à leur place ».

L'enquête « Expérience et image des bibliothèques municipales » de 1997 semble contrarier cette hypothèse puisque seuls 4% des non usagers déclarent ne pas venir car ils n'aiment pas « les gens qui y vont ». Pourtant, si elle ne peut avoir de validité générale, cette explication de la non fréquentation semble satisfaisante pour certaines catégories de non publics. Par exemple, les bibliothécaires savent la difficulté de faire cohabiter les personnes âgées avec les enfants et adolescents, ce qui se traduit par des stratégies des premières pour venir pendant que les seconds sont à l'école en évitant soigneusement le mercredi. De même on peut assister à des phénomènes de répulsion de populations d'origines ethniques différentes[52]. Il serait bon de rassembler des travaux permettant de situer la nature des répulsions et d'analyser les modalités du processus de sa mise en oeuvre.

 

Un programme à suivre

 

Dans le cadre de cette communication, nous avons procédé à la première étape du projet visant à analyser la fréquentation des bibliothèques en fonction de l'offre qu'elles proposent. Nous avons déconstruit l'offre globale en identifiant les dimensions qui la composent et en démontrant leur effet sur la sélection du public.

Cette première étape devra être suivie de la mise en place d'enquêtes empiriques visant à améliorer notre connaissance de la relation entre les modalités d'offre et les catégories de population.  Notre projet global consiste à tenter de mieux connaître comment la variété des propositions est perçue et sélectionne la multiplicité des publics potentiels des bibliothèques. Des enquêtes menées sur des bibliothèques précises seront l'occasion de soulever des problèmes théoriques et méthodologiques. La population saisit l'offre de manière synthétique plus que pour chaque dimension séparément. Dès lors on peut se demander comment penser la combinaison des effets respectifs de chaque dimension. D'un point de vue méthodologiques, comment identifier l'effet d'une dimension quand chacune prend place parmi l'ensemble des autres ? L'accumulation de travaux, la confrontation avec des situations d'enquête monographique fourniront l'occasion de trouver des réponses à ses questions.

 

 



[1] A.-M. Bertrand, M. Burgos et alii, Les bibliothèques municipales et leurs publics, Paris, BPI/ Centre G. Pompidou, 2001.

[2] Cf. « Penser le public des bibliothèques sans la lecture », article soumis au Bulletin des bibliothèques de France fin mai 2001.

[3] J.-C. Passeron, Intervention au colloque « Lecture et bibliothèques publiques », ORCEP, Hénin-Beaumont, 20-21 novembre 1981, p. 288.

[4] Nous avons consacré une partie de notre analyse de la désaffection des jeunes des bibliothèques à cette hypothèse. Cf. C. Poissenot, Les adolescents et la lecture, Paris, BPI, 1997, pp. 88-106.

[5] C'est en tous cas ce que suggère T. Leisner dans la conférence qu'il a prononcée lors du congrès de l'IFLA du 20 au 25 août 1995 et intitulée : « Should Libraries Engage in Marketing ? ».

[6] « Il apparaît que des bibliothèques avec des niveaux de ressources différents, et présumément des niveaux de performance différents, n'ont pas d'effet sur les usages que les clients font d'elles » (G. D'Elia, S. Walsh, « Patrons' Uses and Evaluations of Library Services : A Comparison Across Five Public Libraries » in Library Information Science Research, 7, 1985, p. 25.).

[7] Si nous nous accordons avec T. Giappiconi sur l'idée « qu'il ne peut y avoir d'évaluation sans projet » (Manuel théorique et pratique d'évaluation des bibliothèques, Paris, Le Cercle de la Librairie, 2001, p. 206), il nous semble que le débat sur les objectifs poursuivis par les bibliothèques gagnerait à se développer en assumant les contradictions existantes. Ce débat dépasse largement le cadre de notre communication.

[8] V. Dubois, « La vision économique de la culture » in Bulletin des bibliothèques de France, t. 46, n°2, 2001, pp. 31-34.

[9] P. Franqueville, « les nouveaux outils de l'urbanisme » in Bulletin des bibliothèques de France, t. 45, n°3, 2000, p. 98.

[10] E. S. Palmer, « The effect on Public Library Use : A Literature Survey » in Library Research, vol. 3, n°4, hiver 1981, p. 334.

[11] Cf. par exemple, U. Hannerz, Explorer la ville, Paris, Ed. de Minuit, 1983.

[12] F. Rouet, La grande mutation des bibliothèques municipales, Paris, La Documentation française, 1998, p. 63.

[13] J.-C. Passeron, Le raisonnement sociologique, Paris, Nathan, 1991, p. 125.

[14] F. Rouet, Op. Cit., p. 156.

[15] Cf. par exemple M. Poulain, J.-F. Barbier-Bouvet, Publics à l'oeuvre, Paris, BPI/ La Documentation française, 1986 ou plus récemment : C. Evans, A. Camus, J.-M. Cretin, Les habitués, Le microcosme d'une grande bibliothèque, Paris, Centre G. Pompidou/BPI, 2000.

[16] Cf. C. Baudelot, M. Cartier, C. Detrez, Et pourtant ils lisent..., Paris, Le Seuil, 1999.

[17] E. Goffman, La mise en scène de la vie quotidienne, 1. La présentation de soi, Paris, Ed. de Minuit, p. 239.

[18] N. Hedjerassi, « Usages collectifs et tensions : les jeunes usagers dans les bibliothèques » in Lecture Jeune, n°95, novembre 2000, p. 15.

[19] H. S. Becker, Les mondes de l'art, Paris, Flammarion, 1988, p. 361.

[20] Cf. A.-S. Chazaud, « Usages d'Internet à la BPI ou quand le paquebot se met à surfer », in Bulletin des bibliothèques de France, t. 42, 1997, n°3.

[21] On a montré, à partir des inscrits de la médiathèque de Nancy, que les hommes détenaient plus souvent un abonnement livres+disques que les femmes (71% contre 51%), Cf. La lecture publique à Nancy, Contrat Ville-lecture, Nancy, août 2000.

[22] C'est par exemple le cas de l'enquête importante réalisée par J.-C. Passeron, M. Grumbach et alii (L'oeil à la page, Paris, BPI, 1985, p. 281).

[23] I. Masse, « Architecture(s) de bibliothèques, 12 grandes réalisations en régions (1992-2000) » in Bulletin des bibliothèques de France, t. 46, n°3, 2001, p.99.

[24] A.-M. Bertrand, « Portrait de groupe avec (ou sans) bibliothèque » in A.-M. Bertrand, M. Burgos et alii, Les bibliothèques..., Op. Cit., 2001, p. 76.

[25] M. J. Detweiler, « The « Best Size » Public Library » in Library Journal, vol. 101, 15 mai, 1986, p. 34.

[26] B. Calenge, « La collection entre offre et demande ? » in Bulletin des bibliothèques de France, t. 46, n°2, 2001, pp. 40-48.

[27] T. Giappiconi, Manuel théorique..., Op. Cit., p. 32.

[28] A.-M. Bertrand, Les publics des bibliothèques, Paris, Ed. du CNFPT, 1999, p. 34..

[29] A.-M. Bertrand, « Les non usagers des bibliothèques municipales » in Bulletin des bibliothèques de France, t. 43, n°5, 1998, p. 42.

[30] Cf. le captivant témoignage d'A.-L. Dodey, « L'accueil des adolescents à la Médiathèque de Roubaix » in 3ème rencontre professionnelle « La lecture des adolescents », Lille3-DFMLD MédiaLille, 12 décembre 2000, pp. 47-58.

[31] T. Giappiconi, Manuel théorique..., Op. Cit., p. 32.

[32] T. Giappiconi, Manuel théorique..., Op. Cit., p. 32.

[33] J.-C. Passeron, Intervention au colloque « Lecture et bibliothèques publiques », Op. Cit., p. 290.

[34] A. O. Hirshman, Face au déclin des entreprises et des institutions, Paris, Ed. Ouvrières, 1972.

[35] Cf. par exemple, A. Dujol, Le clair et l'obscur, Paris, BPI, 1985.

[36] Cf. J.-C. Passeron, « Images en bibliothèque, images de bibliothèques » in Bulletin des bibliothèques de France, t. 27, n°2, 1982, p. 73.

[37]J.-C. Kaufmann, Ego. Pour une sociologie de l'individu, Paris, Nathan, 2001, p. 196.

[38] Cf. C. Poissenot, Les adolescents et la bibliothèque, Paris, BPI, 1997, pp. 128-129.

[39] Pour un examen plus complet de la situation de non inscription, Cf. M. Burgos, C. Poissenot, J.-M. Privat, « Droits d'usages. Les usagers non inscrits des bibliothèques municipales » in A.-M. Bertrand, M. Burgos, et alii, Les bibliothèques municipales..., Op. Cit., pp. 81-232.

[40] Cf. C. Poissenot, Les adolescents..., Op. Cit. p. 287.

[41] D. E. Murphy, « Queens Library Moves Past `Shh' (and Books) » in New-York Times, 7 mars 2001.

[42] Rappelons que l'emprunt de documents constitue très largement le premier objectif de visite des usagers tant en France qu'aux Etats-Unis. 97% des usagers Français, affirment qu'il leur arrive d'emprunter des livres (Cf. A.-M. Bertrand, Les publics des bibliothèques.. Op. Cit., p. 50). Quant aux américains, 81% viennent pour emprunter des livres (« Off to the library » in The Economist (US), 12 septembre 1998, p. 30).

[43] S. Lavoie, « Tarification jeunesse dans les bibliothèques publiques du Québec : ticket modérateur vers l'alphabétisme » in Défi, vol. 2, n°1, printemps 2000, p.10.

[44] J.-L. Lerebours « Avant-propos » in M. Briault, C. Leblond et alii, Les médiathèques et leurs publics, Villeurbanne, Ed. de l'ENSSIB, 1997, p. 113.

[45] C. Egholm, H. Jochumsen, « Perspectives concerning user fees in public libraries » in Library Management, vol. 21, n°6, 2000, p. 303.

[46] C. Poissenot, « Droit de prêt : des principes aux enquêtes » in Bulletin des bibliothèques de France, t. 45, n°4, p. 110.

[47] C. Egholm, H. Jochumsen, « Perspectives... », Art. Cit., p. 304.

[48] B. Seibel, Au nom du livre, Paris, BPI/ La Documentation française, 1988.

[49] De leur côté, les bibliothécaires analysent le public qui fréquente leur bibliothèque pour regretter parfois sa distance avec le « public idéal ». Cf. A.-M. Bertrand, Bibliothécaires face au public, Paris, BPI, 1995.

[50] Cf. S. E. Higgins, A study of the effectiveness of public library service to  young adults, PHD, Université de l'Etat de Floride, 1992.

[51] Des procédures peuvent être mises en place afin de protéger le personnel. Pour un exemple intéressant, Cf. V. Czopek, « Using Mystery Shoppers to Evaluate Customer Service in the Public Library » in Public libraries, Nov-Dec. 1998, pp. 370-375.

[52] A.-L. Dodey établit le constat que la médiathèque de Roubaix était presque devenu un « ghetto maghrébin » (d'A.-L. Dodey, « L'accueil des adolescents... », Art. Cit., p. 56.).